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encore moins à supprimer entre elle et l’Autriche une cause de rivalités futures, dont il se réservait, à l’occasion, de profiter. N’avait-il pas obtenu de l’Italie tout ce qu’il en pouvait attendre, la « neutralisation » d’une armée autrichienne et du meilleur général de l’Empire ? Que lui importaient désormais les prétentions de Victor-Emmanuel ? Il s’en désintéressait ouvertement. M. de Moltke, avant de libérer les officiers autrichiens prisonniers, avait exigé d’eux le serment de ne plus porter les armes contre la Prusse, sans rien spécifier en ce qui concerne l’Italie.

Les Italiens, peu habitués à traiter avec le Cabinet de Berlin, se montrèrent douloureusement surpris de cette attitude [1]. Le roi Victor-Emmanuel se plaignit, menaça de continuer la guerre, et envoya le général Govone au camp prussien pour y porter ses doléances et ses revendications. Du moins, il exigeait l’armistice sur la base de l’uti possidetis, c’est-à-dire avec l’occupation du Trentin par les troupes de Garibaldi et de Medici. Mais M. de Bismarck ne laissait point ignorer qu’il ne soutiendrait pas ces prétentions, qu’il était résolu à s’en tenir à la lettre du traité d’alliance stipulant seulement la cession de la Vénétie. Se sentant libre désormais du côté de Berlin, le gouvernement autrichien opposa à l’Italie un refus formel. C’est en vain que l’inlassable générosité de Napoléon III intercédait à Vienne ; M. de Gramont répondait par télégramme : « La résolution de l’Autriche de repousser l’uti possidetis est irrévocable. » Néanmoins, en face de l’attitude menaçante des armées impériales, la situation de Garibaldi devenait critique, et La Marmora prit sur lui de faire évacuer le Trentin.

Jusqu’à la fin des pourparlers, le Cabinet de Florence s’efforça encore d’obtenir satisfaction.il télégraphiait le 29 juillet à son ambassadeur à Paris : « Le but peut-être le plus important de la négociation est une rectification des frontières de la Vénétie qui devraient être portées à l’Isonzo et à une ligne qui traverserait la vallée de l’Adige au Sud de Botzen et au Nord de Trente [2]. » Le lendemain, Nigra remettait à notre ministre des

  1. « Condotta piu indigna di quella che tenne la Prussia verso di noi dalla battaglia di Sadowa sino alla conclusione della pace non si potrebbe pensare, » écrit. Bonghi, Alleanza Prussania, IV. Sur la déloyauté de la Prusse, négociant avec l’Autriche en dehors de son alliée, Cf. également Ricasoli, Lettere et les Souvenirs de La Marmora.
  2. Recueils de Documens diplomatiques présentés au Parlement italien le 21 décembre 1866, p. 753.