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qui la constitue ? Sans doute, à elle seule, aucune de ces conditions ne suffit ; la nationalité consiste plutôt dans un composéde mille élémens divers que l’on sent plus qu’on ne peut les définir, et dont, pour nous Français, le premier demeure la volonté même d’un peuple. Nous verrons tout à l’heure comment les habitans du Trentin et de la côte autrichienne de l’Adriatique ont su conserver et défendre leur caractère d’ « italianité. »

Certes, à première vue, le caractère italien de ces deux régions ne saurait échapper au moins observateur des touristes. Après Botzen, — que l’on nomme aussi Bolzano, et que les irrédentistes ne revendiquent point, quoiqu’elle se pare déjà d’une douceur latine sous un ciel plus bleu, — tout le monde parle italien dans les petits villages du Trentin qui s’appellent Moena, Vigo di Fassa, Predazzo, Primiero, San Martino di Castrozza, Cortina d’Ampezzo, au pied des Dolomites. La capitale. Trente, construite sur l’Adige, parait trop vaste pour ses vingt-cinq mille habitans ; avec ses façades à fresque, ses palais de marbre, ses églises, elle ressemble comme une sœur aux cités de la Haute-Vénétie. C’est aussi l’Italie qu’évoquent Rovereto, entourée de vignobles, Arco et ses jardins de grenadiers et de lauriers-roses, Riva, étendant au bord du lac de Garde ses villas dominées par le bastion en ruines d’un château des Scaliger de Vérone.

La grande cité de Trieste rappelle les autres métropoles maritimes de la Péninsule, Gênes, Livourne ou Naples. En débarquant, on s’aperçoit à peine qu’on a traversé l’Adriatique. L’animation des rues, la foule qui vous coudoie, les enseignes des boutiques, la vie des cafés et des trattorie, tout est encore italien. Cependant, dès qu’on arrive aux faubourgs, les Italiens disparaissent devant les Slovènes. Sur le Littoral, tandis que l’arrière-pays est slave, l’italien demeure la langue des négocians, des marins, des pêcheurs. Fiume compte une colonie de 22 000 Italiens. Les petits villages reflètent dans l’Adriatique des campaniles semblables à ceux des îles vénètes. Pola, dont les temples et les arcs de triomphe attestent la grandeur romaine, possède aussi maints vestiges de la domination vénitienne, et, si nous suivons la côte, c’est toujours l’empreinte de Venise qui est restée gravée sur les villes dalmates, comme, aux portes de leurs murailles, la griffe du lion sur l’Evangile de Saint-Marc. Zara est fière de ses puits de bronze, à l’instar de ceux du Palais