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après l’orage. Or la pièce avait été écrite avant 1870, et son auteur n’était pas un jeune homme qui venait de se révéler ; il avait à son actif plus d’une production tout juste honorable ; mais une fois, qui devait rester la seule, l’inspiration était venue, sans qu’on pût savoir d’où ni comment : l’esprit avait soufflé où il avait voulu. Des critiques habiles à expliquer tout succès par des raisons étrangères à la valeur de l’œuvre, s’empressèrent de faire remarquer ce que celui-ci devait aux circonstances. Depuis lors, les temps ont changé, la Fille de Roland a été bien souvent reprise, et chaque fois l’impression a été la même. Ne craignons pas de le redire, c’est une des plus belles œuvres qu’il y ait dans tout notre théâtre. Il est fâcheux que l’expression n’y soit pas toujours à la hauteur du sentiment : Bornier aurait dû demander au plus humble des parnassiens de retoucher quelques-uns de ses vers qui font tâche. Mais, à la représentation, c’est à peine si on note ces défaillances. On est emporté par le mouvement de l’action dramatique qui est une « reconnaissance, » comme dans les drames les mieux faits, de Sophocle à d’Ennery. Quand l’identité d’Amaury et de Ganelon a été reconnue par celui qui avait le plus d’intérêt à l’ignorer, étant le propre fils du traître, le sujet est épuisé, la pièce est terminée. Ce n’est là que l’armature du drame ; pour l’inspiration, combien elle est généreuse et vraiment poétique ! Cette épée de la France prisonnière à l’étranger et que délivre un jeune preux, quel symbole, à la fois si clair et si plein de signification ! Les mâles pensées, les élans chevaleresques, les nobles mouvemens par lesquels se trahissent les âmes haut placées éclatent à chaque instant. Et quel amour de la France ! Quel culte pour sa mission providentielle !


Ta gloire ! Oh ! puisse-t-elle, aux époques prochaines.
Croître en s’affermissant comme croissent les chênes.
Offrir l’abri superbe et l’ombre de son front.
Nation maternelle, aux peuples qui naîtront.
Afin qu’on dise un jour, selon mon espérance :
Tout homme a deux pays, le sien et puis la France.


Quelle foi dans les destinées de la France immortelle !


O France, douce France, ô ma France bénie,
Rien n’épuisera donc la force et ton génie !
Terre du dévouement, de l’honneur, de la foi,
Il ne faut donc jamais désespérer de toi.
Puisque, malgré tes jours de deuil et de misère,
Tu trouves un héros dès qu’il est nécessaire.