Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/429

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pierres, ses cheveux blanchis par les années, lui disait qu’il était innocent, que jamais un fusil n’avait touché ses mains... Le Prussien ne l’écoutait pas toujours ; impatienté, il le repoussait odieusement en lui hurlant ces mots : « Si vous m’importunez, je vous fais fusiller [1]... »

On atteint enfin Nogent-l’Artaud où eut lieu l’embarquement.


Nous avons eu occasion de signaler la détresse matérielle dans laquelle se trouvèrent, par suite de l’insuffisance de la solde que leur servait le gouvernement allemand, la plupart des officiers français prisonniers.

Dans la réclamation que le chancelier Bismarck adressa de Ferrières, le 4 octobre 1870, au Gouvernement de la Défense nationale, il osa affirmer que des officiers allemands prisonniers étaient « traités d’une manière aussi indigne que contraire aux lois de la guerre » et « en contradiction avec les principes du droit des gens et de l’humanité. »

Le 28 octobre, après enquête, le comte de Chaudordy n’eut, pour réduire à néant de pareilles assertions, qu’à établir un simple parallèle ; reproduisons-le.


... En France, les soldats et les sous-officiers des armées allemandes reçoivent, par jour, et indépendamment des allocations de vivres, une somme de 0 fr. 05 à 0 fr. 07 ; ils peuvent travailler chez les particuliers, et, dans ce cas, ils touchent environ 0 fr. 40 par jour.

En Allemagne, nos soldats ne reçoivent aucune solde, et ils en sont réduits, a écrit récemment lord Loftus, à vendre leurs médailles pour se procurer de petits adoucissemens, qui, dans leur situation, sont presque nécessaires à la vie, le tabac notamment.

Les officiers inférieurs, prisonniers en Allemagne, reçoivent mensuellement 12 thalers [2], soit 45 francs, et les officiers supérieurs et généraux 25 thalers, soit 93 fr. 75.

En France, au contraire, nous donnons aux officiers prisonniers :

Aux généraux de division, 333 francs ; de brigade, 250 francs ;

Aux officiers : supérieurs, 200 francs ; subalternes, 100 francs.

Enfin, les colis qui leur sont adressés par leurs familles leur sont toujours fidèlement remis [3].

  1. Fautras (Gustave), op. cit, p. 57.
  2. Le thaler vaut 3 fr. 73.
  3. Le lieutenant-colonel Meyret, précisant davantage, s’est appliqué à démontrer les détournemens de toute nature qu’il put constater, à Cologne du moins » p. 211.