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fatigues extrêmes du voyage, les uns à moitié vêtus, les autres sans souliers, forcés, une masse à la main, dans la boue, la neige, la glace ou sous une pluie battante, de casser des pierres sous les murs de la ville, du matin au soir. C’était leur misérable sort ! Beaucoup y succombèrent, victimes lamentables des plus odieux traitemens [1]...


L’exemple du Loiret nous sera fourni par Bricy-Ie-Colombier, dont nous avons déjà eu occasion de parler, en nous appuyant sur le témoignage de l’instituteur Gustave Fautras.

Le 11 octobre 1870, une colonne allemande se portant sur les Ormes atteint Bricy.

Pendant que s’opère la perquisition des armes, Gilbert dit Blandin, surpris comme il cachait dans une haie son fusil dont il ne s’était pas servi, est mis à mort. L’absence d’armes une fois constatée, les Allemande emmènent comme otages un certain nombre d’habitans dont Fautras qu’un officier a insulté : il y a parmi eux plusieurs vieillards âgés de soixante-huit à soixante-douze ans ; les uns sont en blouse ou vêtus d’un simple gilet ; les autres sont chaussés seulement de sabots.

Après le combat des Ormes, la marche sur Orléans est reprise au milieu des insultes et des coups prodigués par les fantassins et les cavaliers qui encombrent la route [2].

A Toury, après un jeûne presque complet de cinquante-cinq heures, une petite ration de pain est distribuée ; elle ne sera renouvelée qu’à Etampes. A Boissy-le-Cuté, des habitans accourent avec du pain et de l’eau, ils sont chassés par les Prussiens, qui, rapporte Fautras, s’emparent des alimens, répandent le liquide et brisent les vases le contenant [3]. Les choses se passent de la même façon près de la Ferté ; des cavaliers distribuent même des coups de sabre.

Le 14 au soir, à Corbeil, pendant que les Frères des Ecoles chrétiennes distribuent des rations de pain, un prisonnier tombe inanimé.

Les 15, 16 et 17, la marche continue par Lieusaint, Brie-Comte-Robert,.. « Parfois, un vieillard se traînait humblement près d’un chef, lui montrait ses pieds déchirés par les

  1. Guers (chanoine E.), op. cit., p. 296.
  2. Fautras (Gustave), op. cit., p. 28. Picard Prosper, âgé de 73 ans, accablé de fatigue, se jette dans un fossé pour y mourir : roué de coups, piqué avec des baïonnettes, il doit se remettre en route. Labbé, septuagénaire, eut le front atteint de plusieurs coups de baïonnettes, p. 31.
  3. Id. ibid., op. cit., p. 41.