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Toutefois, peu de temps après, le gouverneur ne s’opposa pas à l’élection, dans le fossé du fort, d’un petit mausolée portant l’inscription suivante : « A la mémoire de Gombault Charles, sergent au 2e tirailleurs, prisonnier à Ingolstadt, fusillé le 8 janvier 1871, à l’âge de 22 ans ! ses camarades du 2e tirailleurs. »


La seconde version, beaucoup plus dramatique à coup sûr que la précédente, a été lancée, d’après des renseignemens erronés, par l’abbé Landau [1], puis propagée de la meilleure foi du monde, — cela est hors de doute, — par le R. P. Joseph [2] et par le chanoine Guers [3].

L’abbé Landau, qui demeurait à Munich, ne séjourna à Ingolstadt qu’en mars 1871, les 17, 18, 19 et 22 ; quant aux deux autres prêtres, ils exercèrent leur mission, le premier à Ulm, le second un peu partout.

Nous sommes donc en présence d’une légende d’après laquelle Gombault aurait été fusillé devant 6 000 prisonniers après leur avoir adressé quelques mots, les avoir invités à crier avec lui le cri de « Vive la France ! » que « les rives du Danube furent... forcées de répéter » (sic) et commandé lui-même « Feu ! »

Quatre mille exemplaires du portrait de Gombault exposé dans Ingolstadt s’écoulèrent rapidement.


Les prisonniers civils furent traités avec une telle dureté par les Allemands qu’il est équitable, — sans vouloir les séparer de leurs compatriotes militaires, — d’appeler tout particulièrement sur eux l’attention. Le chanoine Guers a tracé un tableau véridique de leur situation à Stettin.


Le général Vogel de Falkenstein, commandant la place de Stettin, fut rude pour nos trente mille soldats français confiés à sa garde, mais il se montra impitoyablement barbare pour les prisonniers civils amenés en grand nombre de toutes les parties de la France et spécialement du Loiret. Il les condamna aux travaux forcés. Qu’on se figure un bataillon de paysans, la plupart des vieillards, exténués par les épreuves de la guerre, hâves des

  1. Landau (abbé E.), Six mois en Bavière par l’aumônier militaire de Munich, pp. 144 et 145.
  2. R. P. Joseph, op. cit., p. 122. Fondateur de l’Œuvre des Tombes des soldats français en Allemagne, le R. P. Joseph y fit ériger 190 monumens.
  3. Guers (chanoine E.), op. cit., p. 80.