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prisonniers de guerre, de pauvres infirmes qui n’avaient jamais dû porter un fusil : voilà pour le côté physique. La conduite des régimens provisoires qui, fournis par ces prisonniers, terrassèrent la criminelle Commune, déjoua leur déloyal calcul.

Les prisonniers furent parfois exploités d’une façon odieuse. C’est ainsi qu’en Poméranie des soldats et des sous-officiers allemands se firent les complices des brocanteurs juifs. Il leur suffit, avant que le froid eût sévi, de répandre dans le camp un double mensonge : la paix est signée ; le rapatriement sera immédiat pour les prisonniers pouvant faire la dépense du trajet de Stettin à Berlin où on active l’organisation de trains à destination de France.


...Ce fut, dit un témoin, une véritable foire aux habits ; c’était à qui parviendrait à vendre qui sa capote, qui sa tunique ou son manteau, et cela à des prix dérisoires, car ce qu’il y avait de meilleur fut à peine vendu un thaler.

Enfin, ils partirent après nous avoir dépouillés de ce qui aurait pu nous être si utile pour nous préserver de la terrible froidure que nous endurâmes par la suite : et, le soir même, nous apprenions que tout ce qu’ils nous avaient dit était faux [1].


Les malheureuses dupes purent lorsque, le froid venu, elles étaient à peine vêtues de haillons sous la neige, apercevoir « sur le dos des charretiers et des portefaix du port les vêtemens qui leur avaient été volés et sur la vente desquels les soldats poméraniens avaient reçu une forte somme en échange de leur complicité. »


Abordons maintenant l’importante question des insultes et des mauvais traitemens auxquels participèrent trop souvent habitans, gardiens et officiers.

Presque partout, ce qui n’est pas étonnant pour quiconque connaît le manque absolu de générosité de l’Allemand, nos prisonniers eurent à se plaindre des habitans. Depuis le grand- duché de Bade, pour prendre cet exemple, jusqu’en Poméranie, hommes, femmes et enfans agirent de la même façon, c’est-à-dire sans pitié ; pour le prouver, suivons un convoi depuis son point de départ jusqu’à son arrivée.

  1. Bruchon (Ph.), op. cit., pp. 107 à 110.