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Si encore le pain dont les Français sont friands avait pu dédommager de ce brouet répugnant !


... Ils nous donnèrent à chacun, dit encore Bruchon, quelque chose de carré ressemblant assez à un poids de 20 kilos ; il y avait une marque faite avec des chiffres gravés sur l’une des faces : c’était noir et moisi, et cela avait l’apparence d’un bloc de terre pressée dans un moule à briques ; cette chose, c’était du pain ! Il y en avait un peu plus d’un kilo pour quatre jours [1]...


A Torgau, « le plus lamentable coin de ce grand cimetière qui s’appelle l’Allemagne » et où le chiffre des morts s’éleva à 1 134,


la nourriture était juste ce qu’il faut pour ne pas mourir de faim. Pain noir mêlé de paille, bouillie de farine aux patates. C’était tout [2]...


Le même témoin irrécusable a décrit l’habillement :

... Ces pauvres enfans, dépourvus d’habits, furent gratifiés de vieilles longues tuniques de soldats prussiens, si déguenillées, si sales, si habitées, me disait l’un d’eux, qu’il aurait fallu prendre un crochet de chiffonnier pour les saisir. On leur distribua même de vieux souliers éculés. Ceux qui pouvaient les chausser avaient encore les orteils dehors [3]


Dans les autres dépôts, les prisonniers ne furent pas mieux traités.


Parmi les conventions internationales qui règlent le sort des prisonniers de guerre, il en est une relative aux travaux publics que l’on est en droit d’exiger d’eux : ces travaux ne doivent avoir aucun rapport direct avec les opérations de guerre, et il est naturel qu’ils ne soient ni exténuans, ni humilians pour leur grade ou leur position, soit officielle, soit sociale. C’est ainsi que le vainqueur n’a pas le droit d’employer des prisonniers à nettoyer des rues de la ville où ils sont internés : des soldats prisonniers sont toujours des soldats. Si, d’un commun accord, des prisonniers travaillent pour des particuliers, il convient, comme nous l’avons déjà dit, que ce travail soit rétribué, et que le salaire serve à améliorer leur position ou leur soit compté au jour de la libération.

  1. Bruchon (Ph.), op. cit., p. 97.
  2. Guers (chanoine E.), op. cit., p. 260.
  3. Guers (chanoine E.), op. cit., p. 260.