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dont beaucoup dans des wagons découverts. On dit qu’il en est mort quinze de froid cette nuit...


De son côté, Fautras n’a pas manqué de signaler des cas de mort par congestion :


... Il n’est pas rare, dit-il, au mois de janvier que quelques-uns des prisonniers amenés des environs du Mans périssent du froid dans les wagons découverts qui les transportaient...


Les Allemands qui seraient tentés de taxer d’exagération les récits précédens ne pourront récuser le passage suivant, extrait d’un de leurs journaux, le Wanderer :

« Seize cents prisonniers de guerre de l’armée de la Loire sont entrés dans la nuit à Berlin, par le chemin de fer de Potsdam, pour être dirigés sur Stettin, où ils sont internés ; mais ils sont dans un état tellement déplorable qu’il est impossible de les transporter plus loin. Leur voyage d’Orléans à Berlin a duré dix-sept jours, et ni les prisonniers, ni les hommes de l’escorte n’auraient été en état de voyager encore une seule heure. »


Le transport a été évacué en soixante wagons ouverts ; les malheureux devaient se tenir debout, car il n’y avait pas de siège ; leur mince uniforme était trempé par les pluies battantes ; le froid glacial leur gelait le corps, la neige leur montait jusqu’aux genoux, et leurs jambes vacillantes, leurs membres raidis leur refusaient le service.

La descente des wagons était très dangereuse à cause des marche-pieds gelés et glissans. Un turco qui, malgré les avertissemens, voulut descendre, tomba sous les roues et fut broyé. Cinq prisonniers sont morts du tétanos ; plus de cent ont dû être transportés chez des particuliers, les ambulances étant toutes pleines. Avant que tous soient mis à couvert, il en mourra un grand nombre. Plusieurs d’entre eux ont été pris, après avoir avalé un peu de bouillon chaud, de spasmes auxquels a succédé un sommeil profond. Les soldats sains sont déjà internés dans les casernes, et des gens bienfaisans leur ont donné de la nourriture et des vêtemens.

Le nombre des prisonniers du 3e régiment de zouaves est très grand. Ce régiment a été presque anéanti. L’habillement de ces militaires n’est pas approprié au climat du Nord. Leurs souliers étaient tellement déchirés qu’ils tombaient en lambeaux, leurs larges pantalons et burnous étaient collés aux membres raidis, et ont dû être coupés du corps. On a dû hisser les malheureux sur les voitures qui devaient les transporter dans les chambres qui leur étaient destinées.

A l’autorité militaire incombe le devoir d’ouvrir une enquête sévère sur le transport des prisonniers, de prendre des mesures promptes pour