Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/409

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette chasse à l’homme renforcée par les Prussiens cantonnés à proximité s’étendit jusqu’à Passavant où les courageux efforts du maire Boiet, ceint de son écharpe, demeurèrent infructueux et où des habitans furent malmenés. Quand ce brillant fait d’armes prit fin, le sol était jonché de blessés et de morts dont les bourreaux retournèrent consciencieusement les poches. On a conservé, à Passavant et à La Bassée où se dressent deux monumens commémoratifs, les noms de 49 mobiles tués et de 97 blessés.

Le 28 août au soir, les mobiles demeurés valides atteignaient Remilly où ils furent embarqués ; ils n’avaient dû leur nourriture qu’à la pitié des habitans. A Glogau, lieu de leur internement, 49 d’entre eux étaient morts à l’époque de la libération, sur les 692 Français qui y sont enterrés.

Le massacre des prisonniers dits de Soissons, perpétré, le 16 octobre, sur le territoire d’Hartennes, dans le bois de Saint-Jean, fut aussi provoqué, à n’en pas douter, par l’impressionnabilité excessive des Allemands : prodigues de la vie des autres, ils perdent la tête lorsque, tout à coup, ils croient leur propre existence menacée. Partis de Soissons, vers trois heures du soir, au nombre approximatif de 4 000, les prisonniers étaient arrivés dans le bois Saint-Jean où on fit halte. Tout à coup, sans que le mystère ait jamais pu être éclairci, « des feux de peloton et de file, partant de la tête, de la queue et des flancs de la colonne, vinrent jeter l’épouvante et le désordre dans la masse des malheureux prisonniers... Toute cette foule désarmée se jeta dans les bois où elle fut poursuivie à coups de fusil [1]... »

Il ne fut pas possible de fixer le chiffre exact des victimes, parce que beaucoup de prisonniers trouvèrent un asile momentané dans les fermes ou les chaumières ; on sait seulement que, lorsqu’il atteignit Château-Thierry, le convoi était réduit à environ un millier d’hommes.

Arrivons au transport des prisonniers. Le récit suivant, emprunté à un prisonnier civil, renseignera exactement sur la brutalité que déployèrent, dans la majorité des cas, les officiers, sous-officiers et soldats composant l’escorte du train. Le convoi comprenait 52 habitans arrêtés en Beauce, à Bricy-le-Colombier, dans des circonstances que nous relaterons vers la

  1. Le Progrès du Nord.