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1 500 hommes dont 4 200 mobiles armés depuis quatre jours et sans instruction militaire.

Le 25, vers dix heures du matin, cette colonne qui n’est pas éclairée est chargée, entre Dampierre-le-Château et Sivry-sur-Ante, à La Bassée, par une fraction de la 6e division de cavalerie prussienne ; elle met bas les armes à la suite d’un semblant de résistance. Après que ces prisonniers ont été injuriés, frappés, et que les officiers ont été fouillés, puis dévalisés, une colonne est organisée à Sivry.

Dirigée sur Passavant, elle est réduite à 800 hommes, par suite d’évasions qu’a favorisées la connaissance des lieux, lorsque, vers cinq heures du soir, elle atteint cet endroit. Les parens ou amis qui cherchaient à satisfaire la faim et la soif de ces affamés sont brutalement écartés par l’escorte ; la marche est bientôt reprise.

La colonne n’est encore qu’à une petite distance de Passavant lorsqu’un prisonnier rejeté de la route par une poussée ou l’ayant quittée pour aller boire à quelques pas est tué par un soldat de l’escorte.

Au bruit de la détonation, une débandade se produit ; presque aussitôt, un second coup de feu tiré par on ne sait qui retentit. S’imaginant qu’on veut les massacrer, les prisonniers se sauvent dans toutes les directions et cherchent à s’abriter.

Les Prussiens tirent sur les fuyards, d’autres les poursuivent et massacrent ceux qu’ils atteignent. Ce sont autant d’assassinats, puisqu’il s’agit d’hommes désarmés. « Les mobiles ont voulu fuir et, d’après les lois de la guerre, nous avons tiré sur eux ! » ont allégué les bourreaux. Piètre défense reposant sur un double mensonge : attaqués par qui ? les mobiles n’ayant pas d’armes ; il est de fait que les prisonniers demeurés sur place ne furent point davantage épargnés. Les officiers qui ordonnèrent cette poursuite ou qui n’eurent pas la générosité de l’arrêter connaissaient l’origine du premier coup de fusil ; depuis quand, d’ailleurs, deux coups de fusil séparés auxquels succède un silence complet constituent-ils une attaque en règle ? Dégageons les causes véritables : le manque de sang-froid causé par la peur dont le soldat prussien a donné tant de preuves ; la haine farouche et le mépris de tout ce qui est français considéré comme un bétail sur lequel on aurait des droits absolus.