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envers celui qui les tient en sa puissance. En ce cas, il est maître de les punir. Hors de là, il doit se souvenir qu’ils sont hommes et malheureux. Un grand cœur ne se sent plus que de la compassion pour un ennemi vaincu et désarmé [1]... »

Dans notre règlement du 3 mai 1832 sur le service en campagne, encore appliqué en 1870, l’article 135 était ainsi formulé : « Les officiers doivent rappeler aux soldats que la générosité honore le courage. En conséquence, les prisonniers de guerre ne sont jamais dépouillés ; chacun d’eux est traité avec les égards dus à son rang. »

On aurait vainement cherché, dans le règlement prussien correspondant, une recommandation à la fois si humaine et si digne.

Le 6 mai 1859, au début de la campagne d’Italie, des Instructions françaises, tout en recommandant de mettre les prisonniers hors d’état de nuire, interdirent les rigueurs inutiles, leur attribuèrent une solde, du tabac et arrêtèrent que les salaires gagnés par eux constitueraient une masse leur appartenant.

En somme, si la Convention de Genève laissa de côté la question des prisonniers de guerre, il était admis, en juillet 1870, que la personne d’un prisonnier est inviolable ; qu’il a droit à un traitement humain et même que, s’il n’a pas aliéné complètement sa liberté en prêtant serment, il conserve le droit de s’évader, sans qu’on puisse lui refuser la qualité de belligérant, qui est une garantie sérieuse.

Tels sont les droits du vainqueur et surtout ses devoirs.

En ce qui concerne le vaincu, insistons sur un cas particulier. Son identité une fois loyalement déclarée, le prisonnier est soumis de fait aux lois et règlemens qu’a édictés le vainqueur qui le détient ; en cas d’insubordination, il s’expose aux rigueurs jugées nécessaires pour le contraindre à l’obéissance.

Il peut être employé à des travaux publics, à la condition qu’ils n’auront pas un rapport direct avec les opérations sur un théâtre de guerre.

Tout serment aggrave la situation morale de celui qui le prête ; en le violant, on manquera à l’honneur et on s’exposera, si on est repris, à subir les peines les plus sévères, même la peine de mort.

  1. Vattel (Emmerich de), Le Droit des gens..., livre III, chap. VIII.