les émotions, brisés par les fatigues, épuisés par les privations [1]. »
Un nombre aussi élevé de victimes ne peut être attribué, — ainsi que nous allons nous appliquer à le démontrer, — tout en faisant la part de la nostalgie, qu’à la faim, au froid et aux mauvais traitemens.
Il serait injuste, reconnaissons-le, de prétendre que nos prisonniers furent traités partout avec autant d’inhumanité, mais le nombre des endroits où il en fut autrement [2] est trop restreint pour l’honneur du nom allemand.
Les documens sérieux relatifs à la captivité en Allemagne sont tellement nombreux qu’ils pourraient former une petite bibliothèque ; aussi ne citerons-nous que les exemples les plus probans.
Enfin, il ne sera guère question dans cette enquête succincte que des soldats et des gradés. Certes, les officiers ont eu aussi beaucoup à souffrir, mais surtout moralement : ceux d’entre eux qui étaient dépourvus de ressources personnelles, même minimes, endurèrent des privations que l’on ne saurait cependant comparer à celles de leurs malheureux soldats.
En captivité, il existe, à n’en pas douter, des devoirs et des droits pour le vainqueur aussi bien que pour le vaincu. «... La fin de la guerre étant, a dit J.-J. Rousseau, la destruction de l’État ennemi, on a le droit d’en tuer les défenseurs tant qu’ils ont les armes à la main ; mais, aussitôt qu’ils les posent et se rendent, cessant d’être ennemis, ils redeviennent simplement hommes, et l’on n’a plus de droit sur leur vie [3]... »
Le Suisse Vattel (1714-1764) a, de son côté, nettement fixé les devoirs et les droits du vainqueur envers le vaincu qui ne saurait être transformé en un esclave : «... On est en droit de s’assurer de ses prisonniers et, pour cela, de les enfermer et de les lier même, s’il y a lieu de craindre qu’ils ne se révoltent ou ne s’enfuient ; mais rien n’autorise à les traiter durement, à moins qu’ils ne se soient rendus personnellement coupables