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le mouvement de l’atmosphère et des eaux, le développement des organismes végétaux et animaux, jusqu’à la destruction finale. Près des millénaires embrassés par cette histoire cosmique dont la géologie cherche, pour notre Terre, à reconstituer quelques phases, qu’est-ce que le peu de siècles auxquels se borne l’histoire des races humaines, des peuples ou des dynasties ? Néanmoins, capitale pour nous par la part que nous y prenons, cette histoire humaine, que l’on peut envisager comme un détail de l’histoire géologique, demeure elle-même subordonnée aux lois qui ont régi la constitution matérielle de la terre. Et le passé de notre support terrestre, ce support dont les réactions ont une origine très profonde ou très lointaine, influe fortement sur les événemens humains qui troublent un moment sa surface. Il détermine le mode de vie, les cultures, les industries, les échanges commerciaux, les voies de communication, les places fortes, les points de conflit...

Je ne voudrais pas aller aussi loin que ceux pour lesquels tout, jusqu’à la volonté, à l’énergie, au libre arbitre, est une résultante fatale et directe des forces physiques. Je ne prétends pas non plus, on le pense bien, comme les astrologues de Chaldée, montrer l’intervention immédiate des mouvemens célestes dans les événemens humains. Ce préambule apparaîtra donc un peu ambitieux peut-être pour aboutir à quelques réflexions rapides sur nos champs de bataille actuels. Mais on ne saurait guère prier un géologue de « passer au déluge, » puisque là, pour lui, se termine l’histoire et, inversement, pour le lecteur peu familier avec les considérations géologiques, il était utile de rappeler d’abord cet éternel devenir qui, dans les évocations lointaines du passé, modifie sans cesse, pour les substituer les unes aux autres, les montagnes les plus hautes, les plaines tranquilles et les profondes mers.

C’est par l’intermédiaire de la topographie surtout que la géologie influe sur l’histoire, et chacun sait quelle place tient le relief du sol dans les préoccupations stratégiques. Les moindres détails de l’orographie s’expliquent et se coordonnent par la connaissance géologique du passé. Mais la géologie nous montre également ce que le relief du sol n’accuse pas seul : pourquoi les champs de froment succèdent aux prairies ou les prairies aux forêts, les villages groupés autour d’un puits profond ou d’une source aux habitations disséminées le long d’un niveau