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quitter la France à laquelle ils venaient offrir leur épée et leur vie. Des anecdotes curieuses, des dialogues révélateurs et les commentaires du moraliste avisé qui les recueillait, nous feront encore mieux connaître tous les dessous de la scène politique de 1871 à 1873. Les ambitions des uns, les irrésolutions des autres, les intransigeances de beaucoup écartèrent Henri d’Orléans de la présidence : transaction où l’appoint républicain nécessaire ne vit qu’un acheminement vers la monarchie et où l’appoint monarchiste n’aperçut que le maintien d’une république, loyalement servie selon des intentions formellement exprimées. L’union libérale ne put renaître. Auguste Laugel était encore déçu dans ses espérances comme dans ses efforts, car, s’il ne faisait pas partie du Parlement, il inspirait la campagne de presse dont Laurence Oliphant avait été dans le Times l’important leader.

Le 24 mai assurait l’exclusion du Duc d’Aumale de tout rôle politique, sur l’ordre exprès de Frohsdorf. Le prince se renferma uniquement dans les fonctions de commandant de corps d’armée qu’on lui confiait. Il ne s’entoura plus que d’aides de camp et d’officiers d’ordonnance choisis parmi les meilleurs sans acception d’opinion. Sans doute Auguste Laugel se rendait quelquefois à Besançon et le général, lors de ses fugues rapides à Paris, le rejoignait. Mais leurs entretiens, comme leur correspondance, n’échangeaient que des impressions. La reconstruction et les embellissemens de Chantilly appelaient surtout leur attention : le Duc d’Aumale consultait souvent le technicien et l’homme de goût.

En 1872, l’Italie et Sicile, Notes de Voyage paraissait, et Auguste Laugel commençait dans la Revue une série d’études sur l’Angleterre. Il s’attachait à définir les origines et le caractère de son aristocratie ainsi que de son pouvoir parlementaire. La puissance de l’aristocratie anglaise n’était pas, comme celle de certaines autres, une puissance d’imagination, elle se fondait sur les réalités de la richesse ; plutôt politique que militaire, elle avait créé et modelé l’idéal de la nation et su conserver la primauté intellectuelle et morale, avec un prestige social supérieur encore à son pouvoir. Les parlemens anglais eurent, malgré l’impureté fréquente de leurs collèges, l’incomparable mérite, que ce fût avec ou contre le roi, de gouverner dans l’intérêt du pays. Ils ne se considéraient que comme des