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parenté humiliante qui nous serait infligée ? Le souffle sacré déposé en nous sera-t-il moins divin parce qu’il aura été immédiatement communiqué, suivant le beau mythe biblique, à une statue d’argile ou parce qu’il nous sera médiatement arrivé de plus en plus affranchi à travers une série d’organismes divers ? Dieu ne peut-il présider au développement de la nature organique par la force qu’il a placée en elle comme il dirige celui du monde physique par les seuls effets combinés de l’attraction et de l’affinité ?

Auguste Laugel ne subit jamais d’influence confessionnelle ; aucune théologie ne l’a guidé ; la métaphysique seule l’a conduit vers ce spiritualisme dont sont imprégnés ses très remarquables traités : La Voix, L’Oreille et la Musique, L’Œil et la Vision, L’Optique et les Arts. L’esthétique s’y joint à la physiologie pour nous apprendre que l’auteur n’est étranger à , aucune des sensations d’art et leur demande la révélation de la beauté, comme à la philosophie et à la science celle de la vérité.

Ses enquêtes embrassaient en outre et l’astronomie et la géographie. Les grandes entreprises industrielles et techniques intéressaient l’économiste auquel la politique et la sociologie n’étaient pas indifférens. La France politique et sociale devait en être plus tard un nouveau témoignage.

Toutefois Auguste Laugel ne se spécialisait point, ne s’enfermait point dans la science. Le savant, chez lui, se doublait d’un historien, qui aimait à traiter ces grands sujets d’histoire contemporaine dont les lecteurs d’une grande revue sont toujours curieux. On ne peut relire, sans être saisi de la perspicacité prophétique de l’auteur, son premier essai de ce genre : L’Allemagne en 1860.

Mécontente de son organisation fédérale qui la condamne à l’impuissance, sa préoccupation constante est l’unité qui lui donnera la domination à laquelle le génie intellectuel, industriel et commercial de la race a, d’après elle, un incontestable droit. Si la révolution de 1848 n’a pas réalisé ce rêve, une grande lutte européenne sous l’hégémonie de la monarchie du Nord, la Prusse, à l’exclusion de l’Autriche, sera le remède héroïque aux divisions de l’Allemagne. Le fantôme de l’Allemagne unie n’apparaît à ses fils qu’à travers la fumée des combats ; ils désirent la guerre pour la guerre et se résignent d’avance à des défaites nombreuses dans l’espoir d’un triomphe