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arguant, les uns de son inutilité, les autres de son inefficacité. Le chef du département s’est déjà chargé de cette défense. Il a montré que les mers étaient libres, purgées d’ennemis, et que c’était là un grand avantage, un avantage inestimable. Pour les incrédules, les faits, à leur tour, ont parlé. En même temps que de vives et graves réclamations se produisaient chez certains neutres dont les flottes alliées gênent les complaisantes relations avec certains belligérans, ceux-ci faisaient la preuve de la valeur des moyens employés contre eux en édictant des mesures intérieures qui sentent déjà la détresse ; de sorte qu’une seule chose étonne, c’est que la vis de l’étau qui les enserre n’ait pas été, tout de suite, serrée à fond. Mais il y avait des dispositions préparatoires à prendre, des ménagemens à garder. Et puis, on ne voyait pas, il y a quatre mois, comme on le voit aujourd’hui, que l’issue de cette lutte où les deux partis, à peu près égaux en force, font preuve d’une égale ténacité, que l’issue, dis-je, de cette lutte d’usure dépendra probablement de leur « endurance » économique. Je ne m’arrête pas à prouver que, s’il en est ainsi, le parti où nous nous rangeons doit nécessairement l’emporter, ayant justement pour lui le plus précieux facteur de cette endurance économique : une marine maîtresse de la mer, des flottes qui commandent « le grand chemin des nations. »

Que cette domination de la mer n’ait pu être obtenue sans de grandes fatigues et des pertes sensibles, c’est ce que disent assez les dures croisières de nos bâtimens dans la Manche et dans la Méditerranée et, mieux encore, les glorieux combats livrés par la marine britannique dans les deux hémisphères. Que le blocus de plus en plus étroit des mers ennemies, qui a déjà tant coûté, doive exiger encore de douloureux sacrifices, c’est à quoi nous nous attendons avec une fermeté tranquille dont nos alliés, plus éprouvés que nous, jusqu’ici, nous donneraient l’exemple, s’il en était besoin. De grands résultats valent d’être chèrement payés.

Ces cruelles rançons du succès final, qui, on le sent, préoccupent parfois l’opinion, pouvaient-elles être évitées ? Leur rigueur, au moins, pouvait-elle être atténuée ? Expliquons-nous une bonne fois là-dessus. Le lecteur averti sentira que ce que je vais dire peut s’appliquer à d’autres qu’à nous.

Dans un remarquable article, Une étape, publié le 1er janvier dans le Journal des Débats, M. Georges Blanchon, ancien lieutenant