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Le désastre des Falkland fut vivement ressenti en Allemagne. Pour donner satisfaction au sentiment public, le gouvernement impérial décida, — et c’est bien dans sa manière ! — de faire ravager par sa flotte une partie du littoral anglais de la mer du Nord, où des villes assez importantes sont en bordure sur la côte, sous l’insuffisante protection de quelques batteries. Mais comme son désir de restaurer le prestige de la marine allemande n’allait pas jusqu’à consentir au risque de compromettre avant l’heure le gros de ses cuirassés d’escadre avec les Home fleets, il choisit pour cette expédition le groupe de croiseurs régulièrement affecté à sa flotte de haute mer et prescrivit d’attendre un temps de brume, afin que l’on se donnât toutes chances, d’une part d’atteindre la côte du Yorkshire sans être signalé, de l’autre de se soustraire, le coup fait, à la poursuite de la première escadre de croiseurs anglais.

Celle-ci, en effet, comprend les quatre croiseurs de combat, « dreadnoughts » très rapides (30 nœuds) et armés de canons de 343 millimètres, Lion, Princess-Royal, Queen-Mary et Tiger, adversaires redoutables pour le Moltke, le Von-der-Tann, le Seydlitz et le Lützow, qui ne portent que du 280 et du 305 (le Lützow seulement).

C’est dans ces conditions que, le 16 décembre, au matin, les paisibles habitans de Scarborough, de Whitby, de Hartlepool subirent le châtiment que méritait toute la nation anglaise. Il y eut, tout compte fait, dans ces trois villes, 800 victimes, dont près de 200 tués (militaires compris). L’escadre de von Spee était vengée.

Tout autre fut, deux jours après, le caractère de la réplique anglaise. Le 18 décembre, par brouillard encore, huit hydravions, dirigés par le « commander » Hewlett, survolaient la région du canal de Kiel et de l’estuaire de l’Elbe, lançant force bombes sur Cüxhaven et ses établissemens militaires. Quelques-uns de ces aéroplanes, passant en vue d’Helgoland, s’étaient trouvés au-dessus de la flotte de haute mer allemande, mouillée à l’est de l’îlot, derrière le banc du Sand Insel [1]. Les Anglais ont affirmé qu’ils avaient pu atteindre quelques cuirassés. Les Allemands le nient et n’admettent que la destruction de

  1. C’est le mouillage classique sous Helgoland, mouillage relativement abrité des vents, ou plutôt de la grosse mer du Sud-Ouest à l’Ouest-Nord-Ouest. La flotte française s’y tint souvent dans l’hiver de 1870-71.