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armées se sont reformées derrière la Marne et ont reconduit les Allemands jusqu’en Flandre, les capitaux accumulés dans les banques et chez les particuliers rentrent dans la circulation, et réapprovisionnent les organismes qui en ont besoin. Ils faciliteront la tâche des commerçans et des industriels ; nous ne parlons pas des agriculteurs, qui ont réalisé de gros bénéfices par la vente, à des prix élevés, de leurs denrées et de leurs troupeaux, et qui sont aujourd’hui mieux pourvus qu’aucune classe de Français, à l’exception de ceux des départemens du Nord et de l’Est.

Les milliards thésaurisés font peu à peu leur réapparition. D’abord timides, ils se sont risqués à acheter quelques fonds publics, dont les cours dépréciés les tentaient : ils vont bientôt se répandre dans le pays et aider à cette reprise des affaires qui est sur toutes les lèvres et dont le signal infaillible sera le nettoyage de notre territoire envahi. En attendant cette heure, un travail silencieux, mais obstiné et énergique, se poursuit. Dans les villages éventrés par les obus, les courageux habitans reviennent dès que l’ennemi se retire ; dans les villes comme Reims, où le bombardement n’a pas encore cessé, la vie se poursuit sous le feu des batteries. A plus forte raison, dans les soixante-quinze départemens inviolés, devons-nous travailler et nous préparer aux grandes tâches qui suivront la cessation des hostilités. La richesse de notre sol, l’intelligence et l’énergie de notre race, la puissance de ses réserves morales et matérielles feront des miracles ; elles résoudront le problème des budgets de l’avenir. Les chiffres pourraient sembler effrayans à ceux qui se borneraient à en supputer les milliards ; ils cessent de l’être dès qu’on évoque le souvenir des épreuves que la France a traversées dans l’histoire et dont elle est sortie meilleure, plus vivante et plus forte.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.