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subissent une perte qui va croissant. D’autres raisons s’ajoutent à celle-là pour exercer une action déprimante sur le reichsmark et la couronne. Les exportations de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie sont en recul énorme ; l’une et l’autre manquent de ressources pour payer les achats qu’elles opèrent au dehors et qui, malgré la surveillance des flottes alliées et les barrières élevées par les Puissances soucieuses de remplir correctement leur devoir de neutralité, atteignent encore des chiffres importans.

Le contraste entre cette situation et celle de la Triple-Entente est frappant. En Russie, les principales industries, telles que la métallurgie, l’extraction houillère, les tissages et filatures, à l’exception de celles qui sont dans la partie de la Pologne où la lutte se poursuit, travaillent comme à l’ordinaire. En Angleterre, le nombre des chômeurs est plus faible qu’il y a un an à pareille époque ; les principales industries sont actives ; les flottes sillonnent les mers et approvisionnent la Grande-Bretagne et ses alliés de tout ce qui leur est nécessaire. En matière économique comme en matière militaire, le temps travaille pour nous. Nos réserves de cette nature, non seulement n’ont pas donné, mais, dans la stupeur du début, elles se sont cachées. Nous avions eu le grand tort, après avoir établi en 1913 la loi de trois ans, de ne pas faire immédiatement, sur le terrain financier, un effort correspondant à celui que nous venions d’accomplir en matière militaire. Des hommes se sont trouvés au Parlement pour renverser le président du Conseil qui venait d’arracher aux Chambres, à force d’éloquence et de patriotisme, le vote du service triennal, alors qu’il demandait un emprunt de 1 300 millions. Le nouveau ministre des finances déclara qu’il n’avait pas besoin d’argent ! Il laissa s’écouler la période de calme et de reprise d’affaires qui a marqué les deux premiers mois de 1914 sans en profiter pour remplir les coffres du Trésor. Après les élections d’avril, le ministère Viviani n’osa demander l’autorisation d’emprunter qu’une modeste somme de 800 millions qui, émise le 7 juillet, n’avait pas eu le temps de se classer dans les trois semaines qui ont précédé la guerre.

Le cabinet, qui, au début de 1914, avait jugé la situation de notre trésorerie prospère et un appel au crédit inutile, poussa nos établissemens de banque à émettre des emprunts balkaniques, notamment une rente turque, dont le produit servit en