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publique, grâce à laquelle nous recevons tous les ans du dehors des remises correspondant à l’intérêt de nos placemens : on ne saurait les évaluer à moins d’un milliard et demi de francs. Cette somme, jointe à celle que les étrangers dépensaient chez nous, faisait plus que compenser l’excédent de nos importations sur nos exportations de marchandises ; elle nous permettait en outre de continuer nos achats de fonds étrangers, dans lesquels une partie de notre épargne annuelle s’employait régulièrement. Elle exerce le plus heureux effet sur le cours de nos changes. Comme nous sommes constamment créanciers des autres peuples, les monnaies étrangères sont offertes à Paris, et la monnaie française est recherchée sur les places étrangères. C’est ainsi qu’aujourd’hui, après cinq mois de guerre, en dépit d’une émission de billets de banque à cours forcé qui approche de 10 milliards, le franc est partout coté à prime. Pour avoir une livre sterling, il nous suffit de payer 25 fr. 05, alors que la livre contient 25 fr. 22 d’or ; pour un dollar américain, nous payons 5 fr. 15 au lieu de 5 fr. 18, qui est la parité mathématique ; pour obtenir 1 franc suisse, il nous suffit de 0 fr. 99 ; pour 1 franc italien, de 0 fr. 94 de notre monnaie. N’oublions pas la force dominante que nous donne, au point de vue financier, notre situation de créanciers d’une partie du monde.

En Allemagne et en Autriche, c’est le phénomène inverse qui s’est produit. Alors que le reichsmark en or vaut 1 fr. 23 de notre monnaie, on obtient à Genève, moyennant 1 fr. 11 par reichsmark, les billets de la Banque impériale, c’est-à-dire que ceux-ci perdent le dixième de leur valeur, par rapport au métal. La couronne autrichienne est encore bien plus dépréciée : alors que sa valeur métallique est de 1 fr. 05, le billet de la Banque austro-hongroise s’achète à raison de 80 centimes la couronne. Chez les deux empires du centre de l’Europe, cette baisse de la monnaie indigène est en partie une conséquence des erreurs économiques qu’ils ont commises en essayant de masquer par des expédiens une situation difficile. L’un et l’autre ont créé des caisses de prêt, qui font des avances sur toute espèce de marchandises et de titres : comme elles n’ont pas de capital propre, elles s’en fabriquent un en émettant des bons de caisse, que les gouvernemens reconnaissent comme monnaie libératoire : l’Allemagne va jusqu’à les admettre, à l’égal de l’or, en couverture des billets de banque. Il n’est pas étonnant dès lors que ceux-ci