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gigantesque conflit, les acheteurs de valeurs voudraient réaliser à tout prix, mais qu’ils ne trouveraient pas en face d’eux d’acquéreurs à des prix raisonnables ; d’autre part, les capitalistes, qui avaient employé des fonds en report, voudraient les retirer immédiatement, sans se préoccuper du trouble que ce retrait causerait. Il fallut donc, comme à Londres, reculer l’exécution des engagemens. Un décret du 27 septembre 1914 a suspendu provisoirement toutes demandes en paiement et toutes actions judiciaires relatives aux ventes et achats à terme antérieurs au 4 août, de rentes, fonds d’État et autres valeurs mobilières, ainsi qu’aux opérations de report s’y rattachant. Les sommes dues à raison de ces achats, ventes et reports sont augmentées d’un intérêt moratoire de 5S pour 100 par an. Au mois de novembre, un arrangement est intervenu avec la Banque de France, qui s’offre à rembourser aux reporteurs 40 pour 100 du montant de leur créance, jusqu’à concurrence d’une somme globale de 200 millions, en recevant en échange la garantie des titres sur lesquels le report avait été consenti. Très peu d’entre eux ont fait usage de cette faculté.

Cette mesure s’applique au parquet des agens de change, en attendant que des dispositions analogues, qui sont à l’étude, puissent être prises en ce qui concerne le marché de la coulisse. La Bourse de Paris, qui avait été fermée lors du départ du Gouvernement pour Bordeaux, a été réouverte le 7 décembre 1914. Les transactions y ont pris une certaine ampleur ; les cours des rentes françaises, des obligations de la Ville de Paris, du Crédit Foncier, des grandes Compagnies de chemins de fer, se sont raffermis. La Bourse de Londres a suivi notre exemple et rouvert ses portes le 4 janvier 1915 : elle a dû, d’accord avec le Chancelier de l’Echiquier, apporter de nombreuses restrictions à la liberté ordinaire des échanges.

Notre marché financier est créancier d’une partie du monde, non pas seulement en vertu des comptes que nos banques ont ouverts à des sociétés et à des Etats étrangers, mais surtout de par les nombreux titres que nos épargnans ont souscrits et qu’ils possèdent. On évaluait, avant la guerre, à une quarantaine de milliards la valeur de ce portefeuille étranger ; en admettant que les cours aient baissé du quart, et dans beaucoup de cas ils sont loin d’avoir subi une dépréciation aussi forte, c’est encore 30 milliards que représenterait cette partie de notre fortune