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avait déjà été passée en 1898, et avait été le signal d’une amélioration notable dans les affaires brésiliennes. Il parait devoir en être de même cette fois-ci. Le change sur Londres, qui, au début de la guerre, était tombé à Rio à 11 pence, c’est-à-dire à 30 pour 100 au-dessous du niveau normal de 16 pence, s’est vivement relevé à 14 pence. Quant à la République Argentine, elle a une belle récolte de maïs et de blé ; elle vend ses céréales et ses viandes congelées aux armées européennes ; elle surmontera les difficultés d’une crise qui frappe surtout les immeubles urbains, sur lesquels une spéculation excessive s’était produite. Ses habitans devront, comme leurs voisins du Nord, restreindre pendant quelque temps leurs achats au dehors, ce qui aura pour effet de rétablir le change. La Caisse de conversion argentine détient encore plus d’un milliard de francs en or, en dépit de retraits considérables qui lui avaient fait perdre plus d’un cinquième de son encaisse dans les derniers jours de juillet 1914.

Nos banques ont pour habitude d’ouvrir des crédits à des Etats, à des Sociétés, à des banques étrangères ; ces crédits se donnent en général sous forme d’acceptation, c’est-à-dire que le bénéficiaire de l’avance fournit sur l’établissement français une traite à échéance de trois mois, que ce dernier s’engage à payer à l’échéance. Quelques jours avant cette date, les fonds doivent être remis au banquier ; mais celui-ci est tenu de faire honneur à sa signature, même s’il n’a pas reçu de son débiteur ce qu’on appelle, en termes techniques, la couverture de son acceptation. L’état de guerre a empêché et empêche encore beaucoup de ces couvertures d’être adressées à Paris. Les établissemens de crédit avaient de ce chef des engagemens de plusieurs milliards, qui contribuaient à peser sur eux et à paralyser leur activité.

C’est alors qu’intervinrent des moratoria successifs. Le décret du 31 juillet prorogea de trente jours francs les délais dans lesquels doivent être faits les protêts et les autres actes destinés à conserver les recours pour toutes valeurs négociables souscrites antérieurement au 1er août 1914, échues depuis cette date ou venant à échéance avant le 15 août. Le décret du 29 août prorogea ce délai de trente jours ; celui du 27 septembre accorda une nouvelle prorogation jusqu’au 31 octobre ; celui du 27 octobre en décida une de soixante jours, jusqu’au 1er janvier 1915. L’application de ce dernier décret a été encore une fois retardée.