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le marché des capitaux sera accaparé par les émissions de fonds publics, et la question se posera de savoir si les épargnes des particuliers, singulièrement amoindries par la guerre, seront à la hauteur de toutes ces demandes.

En cherchant à prévoir ce que sera en France le marché des capitaux au lendemain de la guerre, nous devons tenir compte non seulement des besoins de notre pays, mais de ceux des autres. En dépit de la séparation absolue qui s’est actuellement établie entre les deux groupes de belligérans, il est inévitable qu’une fois la paix signée, l’influence réciproque de la situation économique de chacun des peuples qui auront été engagés dans la lutte se fasse sentir. Il est peu probable que les Anglais, les Russes et les Français souscrivent alors aux emprunts austro-allemands : mais la répercussion des opérations entreprises sur les diverses places se produira à travers les pays neutres, les marchés américain, suisse et hollandais par exemple.

L’ensemble des appels au crédit atteindra des chiffres énormes. Si la guerre dure un an, le total des dépenses sera pour les cinq grandes puissances de 60 milliards ; si elle dure dix-huit mois, de 90 milliards. Il faut y ajouter les frais de la Belgique, de la Serbie, du Monténégro, de la Turquie, sans oublier l’Égypte et le Japon. Ce dernier, jusqu’ici, a borné son action à l’Extrême-Orient : mais, s’il envoyait un certain nombre de corps d’armée en Afrique et en Europe, les sommes dont il aurait besoin seraient singulièrement accrues. Évidemment, la totalité de cette formidable carte à payer ne sera pas exigible au moment de la cessation des hostilités. Une partie des émissions de rentes qui se feront alors ne seront pas autre chose que des consolidations de Bons du Trésor créés antérieurement : il n’y aura donc pas, de ce chef, d’appel de fonds nouveaux. De plus, certains des belligérans ont émis dès maintenant des sommes importantes de consolidés qui leur ont fourni des ressources, dont le chiffre est à déduire de celui des emprunts à contracter au moment de la liquidation générale.

L’Allemagne, la première, a émis au mois de septembre 1914, au cours de 97 et demi, un milliard de mark (1 250 millions de francs) en Bons du Trésor à cinq ans d’échéance, rapportant 5 pour 100 d’intérêt, et une rente 5 pour 100 perpétuelle, non remboursable avant le 1er octobre 1924, pour un montant indéterminé ;