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est d’ailleurs possible que certaines combinaisons, envisagées dès maintenant pour faciliter la reprise des affaires à la Bourse, fassent disparaître ce fonds à brève échéance.

Une partie de notre législation qui devra attirer tout spécialement l’attention de nos hommes d’Etat est celle qui concerne l’alcool. On sait les terribles ravages que ce poison opère dans nos villes et nos campagnes. C’est un des facteurs les plus redoutables de la dépopulation : en affaiblissant la race, il prépare des générations de plus en plus chétives, vouées au crime, à la folie, à toutes les ‘misères et à toutes les déchéances physiques et morales. C’est l’alcool qui est en partie responsable du recul effroyable de la natalité en Normandie, où quatre départemens ont perdu, en un demi-siècle, plusieurs centaines de milliers d’habitans. Il convient d’abord de le surtaxer, de façon que l’élévation du prix en ralentisse la consommation, sans diminuer pour cela les recettes du fisc. En même temps il faudrait à tout prix faire disparaître le privilège des bouilleurs de cru. Sous prétexte de respecter la liberté du propriétaire, on autorise les cultivateurs à distiller leurs fruits et à fabriquer des quantités d’eau-de-vie, soi-disant destinées à leur consommation individuelle. Ils dépassent largement cette limite, fraudent le Trésor du montant des droits qu’ils n’acquittent pas et mettent en circulation, d’une façon plus ou moins clandestine, des masses de liquide qui échappent à l’impôt. C’est par cette voie que des centaines de milliers d’hectolitres se répandent dans la circulation, où ils servent souvent de monnaie d’échange : les producteurs paient en nature les journées de leurs ouvriers. On juge de l’effet produit par un pareil abus ; il est aussi dangereux au point de vue de la santé publique que nuisible aux intérêts du Trésor. De timides efforts ont été faits, à diverses reprises, pour le supprimer : ils sont malheureusement restés vains. Lors de l’un de ses ministères, M, Rouvier avait tenté de l’extirper, mais il n’eut pas le courage de résister aux objurgations de la majorité, et il céda une fois de plus. Depuis lors, le mal n’a cessé de croître. Les statistiques démontrent que la France est le pays du monde où la consommation de l’alcool par tête d’habitant est la plus forte. Non seulement on ne fait rien pour l’enrayer, mais on semble prendre plaisir à favoriser la diffusion du mal. En mars 1914, la Chambre, avant de se séparer, avait voté la suppression de la licence des débits. On