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Bien des propositions furent faites ce jour-là, et successivement les noms de Blois, de Fontainebleau, d’Orléans, de Tours, de Versailles, de Saint-Germain-en-Laye furent mis en avant. Les Commissaires élus furent MM. de Maillé, Flaud, Paris, Beulé, Vast-Vimeux, de Lasteyrie, Buffet, Baze, de Cumont, Gatien-Arnoult, Brun de l’Ain, Mortimer-Ternaux, Vitet, le comte Daru et Garayon-Latour. Nous sûmes le même soir que M. Thiers s’était rallié à l’idée de choisir Versailles.

Un incident violent et inattendu surgit le 8 mars, à propos de l’annulation de l’élection de Garibaldi en Algérie, proposée par le 15e Bureau. Victor Hugo, très excité, monta à la tribune et déclara que Garibaldi avait été, pendant la guerre, le seul général qui n’eût pas été vaincu. Cette assertion souleva des tempêtes de protestations. Le baron de Jouvenel, le général Ducrot, Richier, de Lorgeril, le général de Chabaud-Latour, le marquis de Mornay protestèrent hautement contre une parole qu’ils appelaient anti-française et s’opposèrent à la continuation du discours de l’orateur. Celui-ci, furieux, descendit de la tribune, saisit une feuille de papier et, sur la tablette de l’un des sténographes de gauche, griffonna ces mots : « Il y a trois semaines, l’Assemblée a refusé d’entendre Garibaldi. Aujourd’hui, elle refuse de m’entendre. Je donne ma démission. » En signant avec colère, il fit un tel mouvement que sa plume répandit une forte tache d’encre sur le papier que j’ai remis ainsi constellé aux Archives de l’Assemblée et qui en forme une des pièces les plus curieuses. On n’accepta la démission que le lendemain pour laisser à Victor Hugo le temps de la ressaisir, mais il refusa et laissa à Louis Blanc le soin de dire les regrets qu’éprouvaient tous ceux qui « révéraient le génie combattant pour la liberté. » Le général Ducrot ne laissa pas passer, sans protester, la phrase de Victor Hugo ni celle de Lockroy, qui l’accusait de n’être revenu à Paris « ni mort, ni victorieux, » comme il l’avait proclamé lui-même. Il dit qu’il confiait seulement à ceux qu’il avait eu l’honneur de commander, de Wissembourg à Buzenval, le soin de le défendre. Et le ministre de la guerre, le général Le Flô, dans un beau mouvement oratoire, rendit hommage au courage et à la vaillance du général Ducrot, ainsi qu’à l’honneur de l’armée de Paris si souvent insultée par des gens qui ne se battaient pas.

Le 9 mars, Beulé lut son rapport sur la proposition de