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de la candidature officielle, avait un intérêt spécial. Elle ne s’opéra pas sans difficultés et n’aboutit qu’à force de patience et de résolution. M. Jules Simon en avait été fort ému, et le conseiller d’Etat Silvy m’a raconté qu’ayant rencontré le ministre sur le pont de Bordeaux, celui-ci lui exposa le conflit très grave soulevé entre les deux fractions du Gouvernement, et finit par s’écrier : « Ah ! mon cher Silvy, sans ma foi philosophique, je me jetterais dans la Garonne ! » M. Thiers craignait alors aussi pour sa propre personne et s’était entouré d’une garde spéciale, que commandait un de ses amis les plus dévoués, M. Saubot-Damborgès. Je tiens ce fait d’une source très sûre.

Jules Simon, le 4 mars, se borna à dire que Cochery l’avait, dans ses rapports, un peu trop mis en scène, et qu’on devait lui rendre cette justice qu’il avait rempli avec modération un devoir assez difficile. Il supplia, en conséquence, l’Assemblée d’accueillir toutes les mesures qui pouvaient faire la paix dans le pays, et d’écarter les discussions qui ne tendraient qu’à désunir. La vraie, la seule question était celle de l’éligibilité des préfets ; il fallait ne pas en sortir. Le 8 mars, il expliqua sa mission en termes des plus modérés, sans la moindre amertume, et se fit applaudir par la majorité, qui partageait ses sentimens, mais il ne cacha pas qu’il avait eu pour le Gouvernement de Paris les craintes les plus fondées.

Ne tenant aucun compte de cet état d’esprit, Louis Blanc, Victor Hugo, Peyrat, Quinet et quatorze représentans de l’extrême gauche voulurent demander compte au gouvernement de la Défense nationale de sa gestion pendant le siège de Paris, dans l’intérêt de la République qui ne devait pas rester responsable devant l’histoire des fautes de ceux qui l’avaient compromise. Quelques approbations assez rares soulignèrent cette proposition, mais il nous parut bien que la majorité ne lui était guère sympathique. C’est alors que M. Bérenger déposa une pétition tendant à décider que, temporairement au moins, les représentans et le pouvoir exécutif auraient leur siège dans une autre ville que Paris, afin d’éviter des influences fâcheuses pour le bien public. M. Thiers crut devoir intervenir et supplia ses collègues d’examiner sans retard cette question infiniment grave et des plus urgentes. La séance fut aussitôt suspendue et l’Assemblée se retira dans ses bureaux pour étudier la demande de M. Thiers et nommer une commission de quinze membres.