Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette union de tous les Français, sans distinction d’opinion politique, est faite aujourd’hui. A Bordeaux, en 1871, les divisions n’étaient pas encore éteintes. Ce qui le prouve, c’est la protestation bruyante de Rochefort, de Malon, de Tridon et de Ranc, qui accusaient l’Assemblée d’avoir démembré la patrie, et déclaraient ne plus reconnaître la validité de ses actes ; ce sont les déclamations de Félix Pyat, se retirant de l’Assemblée à cause d’ « un vote parricide, » et la dénonçant aux électeurs qui ne lui avaient pas donné, affirmait-il, le pouvoir de toucher à l’indivisibilité de la République ; c’est la proposition faite par Lockroy d’exclure de l’Assemblée les élus de la Corse, parce qu’ils avaient été les partisans de l’Empire. Les craintes des conservateurs et des libéraux étaient encore augmentées par les nouvelles inquiétantes qui venaient de Paris. Tout faisait prévoir un prochain mouvement insurrectionnel d’une gravité singulière. Aussi, la question du retour à Paris était-elle fort discutée, et la majorité parlait déjà de Fontainebleau ou de Versailles comme d’un séjour nécessaire pour les pouvoirs publics.

Dans des conversations particulières dont les échos nous revenaient, M. Thiers ne cachait pas sa préférence pour Fontainebleau qu’il trouvait beaucoup plus calme. Il employait tous ses efforts à maîtriser l’agitation qui s’était emparée de la capitale, et croyait pouvoir dominer le mauvais esprit de la Garde nationale en lui donnant pour chef suprême le général d’Aurelle de Paladines, assisté de Roger du Nord, comme chef d’état-major. Le 4 mars, l’Assemblée, après une discussion très vive, renvoya à la Commission des pétitions une singulière pétition du Club positiviste de Paris, déposée par M. Clemenceau, qui demandait que la Corse cessât de faire partie de la République française ; mais, malgré le renvoi, chacun comptait bien que cette pétition n’aurait aucun succès. Le rapport de M. Cochery sur les élections de MM. Péconnet, Esquiros, Delorme et Mestreau, anciens préfets des départemens dans lesquels ils avaient été élus, et qui tendait à la non-validation de ces élections, donna lieu à quelques incidens. On écouta avec une curiosité toute naturelle le récit pittoresque du conflit entre le Gouvernement de Paris et la délégation de Bordeaux, qui avait voulu légitimer ces mandataires par un décret en date du 31 janvier. La mission de Jules Simon, investi de pleins pouvoirs pour s’opposer à ce que Paris considérait comme une illégalité et une reconstitution