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En présence de l’impossibilité matérielle de continuer la lutte, elle cède à la force et ratifie le traité proposé par le chef du pouvoir exécutif et passe à l’ordre du jour. » x\près une entente rapide dans le petit salon du premier étage qui fait l’angle de la rue Esprit-des-Lois, l’ordre du jour Target fut adopté par tous les signataires et, au bout d’une demi-heure, la séance recommença.


Jules Grévy supplia alors l’Assemblée de ne plus se laisser distraire par des émotions, quelque légitimes qu’elles fussent, et de se pénétrer du sentiment de gravité et de calme douloureux nécessaires à cette délibération, puis il donna la parole à Target, qui proposa à ses collègues de voter, avant les Préliminaires, l’ordre du jour de déchéance cité plus haut. Target, pâle et fort ému, le lut dans un tonnerre d’applaudissemens. Toute l’Assemblée était debout, criant et approuvant par des cris et des gestes violens la motion que combattit vainement Gavini. Le député corse demandait l’appel au peuple et le marquis de La Rochejaquelein répondait que le peuple avait déjà, par les élections, donné son avis. Conti voulut discuter encore, mais M. Thiers monta à la tribune pour solliciter la clôture de l’incident. Il dit qu’il avait proposé une politique de conciliation et de paix et qu’il avait espéré que tout le monde comprendrait sa réserve et son silence à l’égard du passé, mais, quand ce passé se redressait tout à coup et semblait se jouer des malheurs qu’il avait amenés sur la France, il fallait une sanction immédiate. « Vous avez, dit-il, méconnu la vérité. Elle se dresse aujourd’hui devant vous, et c’est une punition du Ciel de vous voir ici obligés de subir le jugement de la nation, qui sera celui de la postérité. » Et sur sa proposition, faite avec une éloquence qui souleva les bravos enthousiastes de l’Assemblée, on vota par assis et levé l’ordre du jour Target. Sur six cent soixante-quatorze représentans qui siégeaient ce jour-là, six cents et quelques adoptèrent la motion et les autres s’abstinrent. Six seulement le repoussèrent, comme on le constata de visu.

On entendit ensuite la fin du discours de Bamberger qui voulut faire de l’histoire et n’intéressa plus personne, puis Victor Hugo se perdit en d’immenses phrases et nous montra le corps agonisant de la France assassinée, Paris cloué sur