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cherchait à défendre l’Empire et l’Empereur. « Assez ! assez ! lui criait-on ; descendez ! allez-vous-en ! » Bamberger voulait remonter à côté de Conti. On l’applaudissait à tout rompre. Tout à coup, Victor Hugo écarta Bamberger et se dressa à côté de Conti. Schœlcher cria : « Voilà l’Empire et les Châtimens côte à côte ! » Jules Grévy invitait Conti à se renfermer dans la question, mais le tapage continuait, puis soudain on entendit un certain nombre de voix pousser ce cri : « La déchéance ! la déchéance ! » Target voulut parler. On l’en dissuada. Le frénétique Langlois hurla : « Votons la déchéance des Bonaparte ! — Oui, oui, » répondit-on de tous côtés, et un grand nombre de députés se levèrent en répétant : « La déchéance ! la déchéance ! » Le bruit devint alors si infernal que Jules Grévy se décida à mettre son grand chapeau et suspendit la séance.

On se répandit aussitôt dans les couloirs des loges pour se concerter dans les deux salons de la façade. Là, représentans et journalistes ne faisaient qu’une même cohue bourdonnante et frémissante. Le plus agité de tous était Target. Il allait de groupe en groupe, montrant un ordre du jour ainsi rédigé : « L’Assemblée nationale clôt l’incident et, dans les circonstances douloureuses que traverse la Patrie et en face de protestations et de réserves inattendues, confirme la déchéance de Napoléon III et de sa dynastie déjà prononcée par le suffrage universel, et le déclare responsable de la ruine, de l’invasion et du démembrement de la France. » Target avait fait signer cet ordre du jour par M. Jules Buisson, le dessinateur caricaturiste de l’Assemblée, Bethmont, Charles Rolland, René Brice, E. Talion, le duc de Marmier, Villain, Léon Say, Pradié, Ricard, Charles Alexandre, Cyprien Girerd, Lambert de Sainte-Croix, Laprade et Daniel Wilson. D’autre part, Henri Wallon, le célèbre historien, avait réuni, sur un ordre du jour un peu différent, les signatures de Jules Buisson, Charles Rolland, E. Talion, Léon Say, Numa Baragnon, Victor de Laprade. Ch. Alexandre, Dupin, comte d’Osmoy, Ch. Rivet, Henri Viennet, comte de Brettes-Thurin, Farcy. Ce dernier ordre du jour, préparé depuis quelques jours en vue d’une manifestation attendue, était ainsi conçu : « L’Assemblée Nationale subit les désastreuses conséquences d’une situation léguée par l’Empire. Elle fait remonter à Napoléon III la responsabilité de la guerre, de l’invasion, de la ruine et du démembrement de la France.