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COMME UNE TERRE SANS EAU...

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DERNIÈRE PARTIE (1)

VII. — LE RETOUR IRRITÉ

Camille était à peine assis que le docteur Bureau s’avança jusqu’au milieu du salon, posa deux doigts sur la monture de son lorgnon, pour mieux voir autour de lui, et que, tout de suite, il tendait la main à celui dont on venait de lui annoncer l’arrivée. Sans desserrer son étreinte, il entraina Camille dans son cabinet. L’ayant fait asseoir sur le divan, il prit place auprès de iui. Alors, les deux mains du pauvre homme dans les siennes, il lui parla ainsi :

— Mon pauvre garçon, mon pauvre garçon | J'ai appris la ter- rible chose. Je vous attendais. Plusieurs fois, j'ai failli monter chez vous. Et puis je me suis dit qu’il valait mieux vous laisser venir. Il ne faut pas brusquer la douleur... Il y a huit jours, vous me quittiez avec un bon visage confiant. Et déjà la pauvre petite vous tendait ses bras. Je vous ai plaint de tout mon cœur... Mon pauvre garçon, vous êtes particulièrement éprouvé.

— Oui, n'est-ce pas? docteur, dit Camille d’une voix âpre. C'est beaucoup pour un même homme eten si peu de temps...

— Comment vous trouvez-vous aujourd’hui ?

Camille commença par dessiner avec ses bras, lents à se soulever, un geste vague. Après s’être mieux interrogé, — car il ne voulait pas mentir, — il répondit d'une voix tremblante, encore hésitante :

— J'ai peur de ne pas souffrir assez.., d’avoir trop peu de

(1) Voyez la Revue des 1°° et 15 décembre 1914, et du 1* janvier 1915.