Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chroniques ; elles immobilisèrent ainsi une bonne partie de leurs dépôts à vue.

Il y a deux ans, la presse berlinoise reprocha vivement à M. de Havenstein, le gouverneur de la Banque d’Empire, d’avoir terrorisé l’opinion en la mettant en garde contre les dangers d’une spéculation excessive et d’un effondrement possible. Ce personnage avait obtenu des institutions de crédit qu’elles augmentassent leurs réserves, mais il n’avait pu modifier les mœurs, ni les habitudes. Afin de répondre au désir manifesté avec instance par la Reichsbank, les banquiers qui financent l’industrie s’efforcèrent de mobiliser leurs créances, en poussant leurs cliens à procéder à des émissions d’actions et d’obligations. Les valeurs ainsi créées furent placées dans la clientèle, mais le souscripteur ou l’acheteur n’a versé que de légers acomptes, et les banques restèrent créancières de la plus grande partie du prix. On juge ce que vaudraient aujourd’hui pareils titres, s’il fallait les réaliser.

La volonté de réussir très vite et à tout prix, de faire sur 550 000 kilomètres carrés autant que les Etats-Unis faisaient sur 8 millions de kilomètres, et d’atteindre en trente ans au point où l’Angleterre était parvenue en cent vingt ans, avait pour résultat de masquer, derrière une façade de chiffres formidables, un gain positif assez mince et disproportionné à l’effort. Les affaires devenaient à la fois plus actives et plus difficiles. La Chambre de commerce de Francfort se plaignait, l’an dernier, que l’on en arrivât à traiter, non pas contre espèces, mais par échange de commandes, et que des maisons de premier ordre, dans les industries métallurgiques et électrotechniques, ou parmi les entrepreneurs de construction, fussent obligées, pour placer des marchandises, d’accepter par voie d’échange des matières dont elles n’ont pas l’emploi dans leurs établissemens.

Le temps seul devait asseoir les fondemens de cette grandeur assez fragile : le temps et la paix ; car si, comme on vient de s’en rendre compte, la guerre de 1870 n’a été pour rien dans le succès économique de l’Allemagne, une nouvelle guerre, aussi heureuse qu’elle la pût souhaiter, ne pouvait lui promettre aucun avantage matériel, et ce n’est pas d’avoir mis en déroute tous ses voisins et étendu à leurs dépens ses domaines continentaux ou exotiques, qui lui eût permis ni de vendre plus de quinine, de parapluies, de poupées mécaniques ou de chaussettes