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les noms sont devenus historiques, il a fait grand honneur à la « Culture française. »

Et, pour le dire en passant, si la culture, — avec ou sans K, — dont il est beaucoup question au delà du Rhin depuis quelques mois, est par définition la recherche désintéressée des biens intellectuels plutôt que des succès industriels ou commerciaux, il est assez amusant, dans le pays de Pasteur, de Berthelot, de Curie et d’Henri Poincaré, pour ne citer aucun vivant ; dans le pays qui, depuis quarante ans, a doté la science de vingt découvertes capitales et qui a possédé des écrivains et des artistes d’une renommée universelle, d’entendre des voisins dont le triomphe consiste à monnayer les idées d’autrui en des usines achalandées, se targuer d’une génialité hors de pair.

La nouvelle civilisation allemande, qui ne brille ni par les lettres, ni par les arts plastiques, et non pas même par l’art musical depuis la mort de Wagner, dont la dernière œuvre est de 1878, la nouvelle civilisation allemande, avant tout matérielle et pratique, — « grossière » même, disait à de Treitschke en 1895 devant les étudians de Berlin, — est la résurrection d’un vieux passé local : celui des villes hanséatiques, de la Hanse du moyen âge ; et lorsque les Allemands se vantent comme d’un progrès marqué d’avoir substitué, à l’individualisme des Français ou des Anglais, l’association organisée, ils oublient que, si l’on entend par là certain collectivisme étroitement réglementé à la prussienne, loin d’être une conquête enviable du présent, ce ne serait qu’un vestige des sociétés en enfance que les peuples adultes remplacent peu à peu par la liberté. Cette liberté n’exclut pas les alliances de producteurs ou de consommateurs ; mais ces ententes, cartels, trusts ou syndicats, n’ont rien de particulier à l’Allemagne, pas plus que son programme commercial : « Des affaires avant tout, le bénéfice viendra ensuite. »

Pour augmenter ses affaires avec les acheteurs du dehors, l’industriel allemand leur offrit des crédits plus longs qu’aucun autre, et, plus qu’aucun autre aussi, il dut, ayant plus d’affaires que d’argent, vivre sur le crédit de ses banquiers. Les banques laissèrent disposer sur elles par des spéculateurs ; les plus grandes, les plus officielles même, eurent dans leur portefeuille des traites qui étaient de véritable « cavalerie, » ainsi que l’on nomme les effets de complaisance, sujets à renouvellemens