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la chemise de briques par un enduit de dolomie, sorte d’asphalte composé de goudron et de magnésie qui, n’offrant à la chaux aucune prise, est presque inaltérable.

Cette découverte, qui valut à l’agriculture un engrais excellent, — les « scories de déphosphoration, » — fit une révolution dans l’industrie du fer en Allemagne, où le minerai exploitable était incomparablement plus abondant que chez nous. En 1880, la production de fer des deux pays était à peu de chose près la même : 1 350 000 tonnes en France, 1 550 000 en Allemagne, tandis qu’en Angleterre elle atteignait 4 millions, et celle de la fonte 8 millions de tonnes. L’Angleterre semblait, depuis le commencement du siècle, la patrie exclusive du fer ; elle avait eu le monopole du puddlage et du laminage jusque vers 1825, époque où le Creusot échouait pour la deuxième fois avec la Société Manby et Wilson, et où la France entière ne fabriquait que 140 000 tonnes.

En dix ans (1880-1890), tandis que la production française demeurait presque stationnaire, celle de l’Allemagne avait plus que doublé (3 164 000) ; elle double encore de 1891 à 1900 (7 372 000 tonnes) et de 1901 à 1913 (14 millions de tonnes). Un tel essor de l’industrie métallurgique comportait un essor correspondant des houillères, et le charbon, indispensable à la fabrication du fer, trouvait en outre une clientèle innombrable dans l’alimentation des machines à vapeur issues de ce fer. Or, le sous-sol de l’empire allemand contenait d’énormes gisemens de houille, dont l’extraction aisée assurait le bon marché, puisqu’une journée de mineur en Silésie correspond à un rendement presque double de celui du mineur français. C’est ainsi que la production du combustible minéral (lignite comprise) est passée de 53 millions de tonnes en 1880 à 256 millions en 1913. Le militarisme et la guerre de 1870 sont tout à fait « étrangers à l’événement. »

Ce serait d’ailleurs une sotte généralisation de ne voir au développement économique de l’Allemagne d’autre cause que sa capacité nouvelle de fabriquer de bon acier et d’alimenter à bas prix ses hauts fourneaux et ses chaudières ; c’est un facteur important, ce n’est pas le seul, mais les autres ne sont pas davantage belliqueux. Dans le sein de l’union douanière, — Zollverein, — que formait la Confédération germanique, l’évolution avait commencé bien avant 1870 : la preuve, c’est que