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construisent dans le monde sortent des chantiers britanniques, c’est parce qu’ils y coûtent moitié moins cher qu’ailleurs, et ce bon marché amène l’abondance des commandes, qui engendre à son tour une spécialisation extrême du travail. Avec des bateaux moins chers, c’est-à-dire avec un capital d’exploitation plus faible, exigeant de moindres amortissemens, les compagnies anglaises peuvent subsister là où d’autres ne le peuvent pas.

Et tout cela vient du charbon ; toute l’Angleterre moderne est issue du charbon..., et aussi toute l’Allemagne, comme on va le voir, Sedan n’a pas plus servi à l’une que Waterloo à l’autre. Quant à la France, qui produisait 1 700 000 tonnes de charbon en 1830 et 3 millions dix ans plus tard, elle s’adonna de son mieux au machinisme et augmenta sa consommation de houille jusqu’à 21 millions de tonnes en 1870. Les deux tiers seulement étaient extraits de son propre sol ; il lui fallait importer le reste.

L’Allemagne, plus arriérée que nous sous le rapport des manufactures, avait pourtant du charbon à revendre. Un événement métallurgique inaperçu du public, qui se produisit précisément en 1879, à l’époque où les affaires étaient chez eux fort déprimées, vint fournir aux Allemands le moyen, non seulement d’utiliser leur extraction, mais de la quintupler : je veux parler de la déphosphoration nouvelle des fontes. Tout le bassin rhénan, ceux du Luxembourg et de la Lorraine annexée, produisaient un fer médiocre et de vente difficile, parce que le phosphore, contenu en quantité notable dans le minerai, le rendait cassant.

De tous les systèmes préconisés pour purger cette fonte phosphoreuse de la substance qui empêchait de la transformer en acier marchand, aucun n’avait réussi, lorsqu’un pauvre clerc de notaire anglais, Thomas Gilchrist, qui suivait des cours publics de métallurgie à Londres, trouva la formule pratique que les savans avaient vainement cherchée : on savait que la chaux, mélangée à la fonte dans une proportion déterminée, accaparait la totalité du phosphore avec lequel elle se combinait ; mais en même temps, par une réaction chimique, elle faisait fondre les briques qui formaient le revêtement intérieur du récipient, — le (c convertisseur, » — dans lequel s’effectuait l’opération. L’idée de Thomas consista à remplacer