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nentes que M. Harden proférait encore le mois dernier I Nous ne nous illusionnons pas toutefois sur les difficultés qui nous attendent. « Le jour de la victoire définitive n’est pas encore venu, a dit M. Viviani. La tâche, jusque-là, sera rude. Elle peut être longue. Préparons-y nos volontés et nos courages. Héritier du plus formidable fardeau de gloire qu’un peuple puisse porter, ce pays souscrit d’avance à tous les sacrifices. Les nations désintéressées dans le conflit le savent, et c’est en vain qu’une campagne effrénée de fausses nouvelles a essayé de surprendre en elles une sympathie qui nous est acquise. » Ce langage simple, sobre, énergique, a fait d’autant plus d’impression sur les Chambres qu’il traduisait leur propre sentiment. L’unanimité s’est faite autour du gouvernement. Au bout de cinq mois de guerre, rien en nous n’a fléchi : tout, au contraire, s’est fortifié.

Cette unanimité a trouvé l’occasion de se manifester sur le terrain financier. Le gouvernement demandait de faire des sacrifices considérables : les Chambres étaient résolues à y consentir, mais elles voulaient voir clair dans la situation. Ce vœu était trop légitime pour que M. le ministre des Finances n’y accédât pas. Le long exposé qu’il a lu à la Commission du budget et qu’il a communiqué à la presse ne laissait rien à désirer au point de vue de l’exactitude et de la lucidité. On sait combien, au moment de la déclaration de guerre, la situation s’est trouvée difficile, et nous ne parlons pas seulement de celle du Trésor public, mais aussi de celle du monde des affaires. Il a fallu y pourvoir par des mesures immédiates qui ne pouvaient guère échapper à la critique, quelles qu’elles eussent été d’ailleurs, car tous les partis avaient leurs inconvéniens. Quoi qu’il en soit, la crise qu’on pouvait, qu’on devait craindre, a été évitée, au prix sans doute de quelques embarras et même de quelques souffrances provisoires, mais sans que le crédit du pays ait été atteint. La Banque de France a aidé puissamment à traverser la période dont nous commençons seulement à sortir. M. Ribot a pu se montrer rassuré sur l’avenir. Son rapport à la Commission du budget est une œuvre d’optimisme, mais d’un optimisme qui s’appuie sur les faits. Aussi lorsque M. Ribot est monté à la tribune a-t-il été couvert d’applaudissemens. Spectacle rare, assurément. Il n’est pas habituel qu’un ministre reçoive un semblable accueil lorsqu’il vient demander le vote de crédits énormes, et aucun jusqu’ici n’avait demandé à la fois 8 milliards et demi. C’est un phénomène nouveau dans l’histoire financière. Et encore ces 8 milliards et demi n’étaient-ils demandés que pour six mois, sans préjudice de la suite. Une demande aussi exorbitante aurait fait frémir autrefois : aujour-