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juif déshonnête, une petite affaire de diamans qui aboutit à un procès et à un scandale : le Roi le traita de fripon. Puis, le Roi l’importunait, touchant ces fameuses « œuvres de poëshie » qu’il fallait corriger et qui étaient souvent incorrigibles. Enfui, le Roi pressait Voltaire comme une orange : « et on la jette quand on a avalé le jus. » Voltaire s’aperçut que diminuait son crédit ; et il s’en alla : qui ne connaît l’aventure tragi-comique de Francfort, et le conseiller Schmid, et le résident Freytag, et toute cette affaire « d’Ostrogoths et de Vandales ? » Voltaire eut à payer cent quarante écus par jour, pendant le temps de sa prison ; et trente ducats au bourgmestre ; et on lui confisqua ses effets et bagages. Il écrit avec chagrin : « Je perdis environ la somme que le Roi avait dépensée pour me faire venir chez lui et pour prendre mes leçons ; partant, nous fûmes quittes. » Et, quittes, c’est-à-dire que Voltaire eut l’assurance de ne rien devoir à Frédéric ; mais, sans nul espoir de rentrer dans ses beaux débours de complaisance et de génie, il estima qu’il était le créancier du roi de Prusse. Il se remboursa comme il put, et en monnaie de singe : espièglerie et rancune satisfaite. Le petit volume de ses mémoires n’est pas autre chose et est bien le chef-d’œuvre du genre.

Le roi de Prusse y passe de mauvais quarts d’heure. Une terrible moquerie, et si gaie, si vraie jusque dans l’injustice que nul portrait moins malveillant ne supprime cette caricature et, sans doute, n’est plus ressemblant. Si Frédéric fut un Grand capitaine, comme je crois qu’il faut l’admettre, le voici pourtant à la bataille de Molwitz. Marie-Thérèse avait assemblé, sous les ordres de son maréchal Neipperg, vingt mille hommes à peu près. Et la cavalerie prussienne céda devant la cavalerie autrichienne : dès le premier choc, le Roi « s’enfuit jusqu’à Oppeln, à douze grandes lieues du champ où l’on se battait ; » Maupertuis l’accompagnait, monté sur un âne. Maupertuis fut pris et dépouillé par les housards. Mais Frédéric se sauva. Il passa la nuit dans un cabaret de village, près de Ratibor. « Il était désespéré, se croyait réduit à traverser la moitié de la Pologne pour rentrer dans le Nord de ses États, lorsqu’un de ses chasseurs arriva du camp de Molwitz et lui annonça qu’il avait gagné la bataille. Cette nouvelle lui fut confirmée un quart d’heure après par un aide de camp. La nouvelle était vraie. Le maréchal de Schwerin était un élève de Charles XII ; il gagna la bataille aussitôt que le roi de Prusse se fut enfui. » Frédéric II capitaine, le voilà, selon Voltaire. Le politique ? Il a déclaré la guerre à la Reine de Bohême et de Hongrie ; et il écrit : « L’ambition, l’intérêt, le désir de faire