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ont une tendance naturelle à chercher fortune au dehors. L’émigration, surtout celle vers l’Amérique, est le véritable fléau des Maronites qui risque de corrompre les qualités de leur race. Peut-être une délimitation moins strictement parcimonieuse de leur province parviendrait-elle à enrayer ce mal en leur donnant à habiter autre chose que des rocs et des ravins.

On sait que les Maronites parlent l’arabe [1] qui s’est peu à peu substitué au syriaque. Celui-ci, resté plus ou moins en usage jusqu’aux environs du XVIe siècle, ne subsiste plus que comme langue liturgique. Ils ont cependant dans le français une sorte de seconde langue maternelle. S’il faut rendre justice à l’effort fait par les écoles indigènes, on ne saurait oublier que nos missionnaires ont couvert le Liban de leurs établissemens. Lazaristes, Jésuites, Capucins, Frères des Écoles chrétiennes et Frères Maristes rivalisent de zèle pour la diffusion de l’enseignement parmi les jeunes Maronites. De même, nos religieuses élèvent les jeunes filles, recueillent les orphelins et soignent les malades. Environ 10 000 élèves maronites fréquentent dans ces conditions les écoles françaises, ou patronnées par le gouvernement français. Sous l’impulsion de nos missionnaires, le mouvement intellectuel, originaire du XVIIe siècle, n’a fait que se développer, et l’instruction s’est largement répandue dans le peuple. A côté des savans et des philologues appartenant au clergé, s’est formée une pléiade d’écrivains, de poètes [2] et surtout de publicistes qui remplissent de leurs productions la presse arabe non seulement de Syrie, mais même d’Egypte.


Cette large contribution de la France à la formation intellectuelle des Maronites n’a fait que développer encore l’attachement déjà si vivace que ceux-ci nous témoignent.

Depuis les Croisades, la vie nationale de ce petit peuple se mêle intimement à notre propre vie ; son histoire fait partie de la nôtre. La « protection et spéciale sauvegarde » que lui avaient jadis accordée les Rois de France ne s’est jamais démentie : tous

  1. Pour tout ce qui concerne le mouvement intellectuel, consulter l’ouvrage cité plus haut de M. Khairallah sur la Syrie, p. 39 et suivantes.
  2. M. Chukri Ghanem, l’auteur applaudi d’Antar, la tragédie jouée à l’Odéon, est un Maronite, ancien élève du Collège des Lazaristes à Antoura.