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Bien que tout vestige de féodalité ait maintenant disparu, les anciennes grandes familles continuent à jouir d’un notable prestige. Malheureusement, leurs rivalités, en créant des partis, divisent trop souvent la communauté et poussent parfois des villages entiers l’un contre l’autre. C’est dans ces querelles que se réveille le tempérament guerrier de la race, resté plus vivace chez les populations de la haute montagne septentrionale, vrai berceau de la nation. Quant à l’animosité contre les Druses, elle est aujourd’hui bien atténuée et si des rixes les mettent encore parfois aux prises, ce ne sont guère que des incidens locaux n’empêchant pas les deux peuples de vivre côte à côte en bonne intelligence, malgré un fond de méfiance et de rancune.

Pour suffire à son existence, le Maronite n’a « que sa montagne ; elle doit tout lui donner [1]. » Il est vrai que ce peuple d’agriculteurs se contente de galettes de pain, d’olives et de lait caillé. Tandis que l’olivier et l’oranger boisent le rivage et les premiers contreforts du Liban, le tabac, la vigne et surtout le mûrier sont cultivés dans les régions plus élevées. Souvent la montagne est si abrupte et rocheuse que, pour retenir sur ses flancs un peu de terre végétale, les paysans ont dû construire des murs de pierre superposés qui la font paraître comme taillée en gradins réguliers. Le mûrier fournit au Maronite sa seule industrie [2], celle de la soie, jadis très prospère [3]. L’élevage des vers à soie est pratiqué dans presque toutes les familles. Quelques-unes, parmi les plus aisées, possèdent des filatures dans lesquelles un assez nombreux personnel féminin trouve une occupation. Comme tous les Syriens, ce petit peuple est doué de remarquables qualités commerciales, ainsi qu’en témoignent les succès des négocians maronites établis à Beyrouth, en Egypte et jusqu’en Amérique où certains d’entre eux, après avoir débuté comme simples colporteurs, arrivent parfois à réaliser une petite fortune. Leur premier soin est alors de construire dans leur village quelque vaste maison à étage.

Le Liban, généralement sec et pierreux, étant en définitive un pays pauvre où les familles sont fort nombreuses, les habitans

  1. Chrétiens du Liban, article paru dans le Figaro du à décembre 1912 sous la signature de Claude Boringe.
  2. Depuis peu d’années, quelques fabriques de cigarettes se sont installées au Liban.
  3. Voyez l’Industrie de la soie en Syrie (1913) par M. Gaston Dusousso, édité chez Augustin Challamel, 17, rue Jacob.