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pu être écartées par une entente entre les Grandes Puissances. Malheureusement, leur manque d’union, et surtout la rivalité de la France et de l’Angleterre, devaient, au contraire, faciliter le jeu du gouvernement ottoman.

Fidèle à ses traditions, la France ne cessa d’appuyer les revendications des Maronites en vue du maintien du Liban autonome et indivis sous l’administration des Chéhab. Devant l’opposition de l’Angleterre, la Montagne fut cependant partagée en deux gouvernemens, l’un Maronite au Nord, l’autre Druse au Sud. Leur délimitation, inévitablement artificielle, mécontenta les chrétiens en même temps que l’existence de deux administrations distinctes souligna fâcheusement l’opposition des deux peuples. De nouveaux massacres éclatèrent, nécessitant une révision du statut libanais, à laquelle la France, sortie de son isolement de 1840, put prendre une part active.

Au cours de cette période déjà si troublée, la Montagne traversait en outre une crise sociale des plus graves. Le régime féodal, maintenu à peu près intact jusqu’aux environs de 1840, était battu en brèche depuis que l’Emir Béchir avait cherché à diminuer, à son profit, le prestige des seigneurs. Encouragé par le clergé maronite, ce mouvement se développa avec rapidité, prenant l’allure d’un véritable réveil démocratique. De son côté, la Porte, par l’organisation d’une administration libanaise et l’institution de fonctionnaires revêtus des attributions jadis dévolues aux Emirs et aux Cheiks, contribua à ruiner l’autorité de ceux-ci. Enfin, de nombreux Maronites, émigrés vers le Sud, se trouvant les fellahs de la noblesse druse, la traditionnelle haine religieuse allait encore envenimer cette lutte de classes. A la suite d’une révolution populaire dans le district maronite du Kesrouan, les Druses, craignant la rébellion de leurs propres paysans, commencèrent à s’armer.

Les événemens de 1860 sont trop connus pour qu’il soit besoin de les rappeler longuement ici. On sait que, en présence des troupes ottomanes, impassibles, sinon complices, les Maronites, surpris et désunis, furent massacrés par les Druses fortement groupés et préparés à la lutte. Une explosion de fanatisme souleva la Syrie, ensanglantant Damas. L’Europe s’émut. Le gouvernement de Napoléon III, alors à l’apogée de sa puissance, ne se laissant pas arrêter par les lenteurs du concert européen et en particulier de l’Angleterre, envoya un corps expéditionnaire