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à Paris, tandis que d’autres, dont les Assemani et Duwaihi, poursuivaient leurs travaux en Italie. En même temps, l’imprimerie se développait dans les couvens du Liban dès la fin du XVIe siècle, assurant davantage encore aux Maronites la direction du mouvement intellectuel dont ils avaient pris l’initiative [1].


Après la période troublée de la fin du XVIIIe siècle, un Émir Chéhab allait de nouveau donner un certain lustre au Liban et tenter de reconstituer l’Etat du grand Fakhr-ed-din. Tel fut le rôle auquel aspira l’Emir Béchir. Il prit le gouvernement de la Montagne en 1788 pour le garder une cinquantaine d’années, avec des fortunes très diverses qui l’amenèrent à abandonner par quatre fois le Liban pour y entrer d’ailleurs chaque fois avec un nouveau prestige. Tour à tour brutal et souple, cruel et rusé, toujours prudent [2] et souvent peu scrupuleux, l’Émir Béchir offrait l’image du parfait souverain oriental imposant le respect par son habileté et son faste. Sans cependant avoir l’envergure d’un Fakhr-ed-din, il était parvenu, en ménageant les partis ou en profitant de leurs divisions, à acquérir en Syrie une situation prépondérante. Bien qu’il fût baptisé chrétien, on ne sut jamais exactement sa religion, car, selon les circonstances, il affectait d’être Maronite, Druse ou Musulman. Des autels consacrés à chacun de ces trois cultes figuraient même dans son palais de Beit-Eddin, dont il voulait faire son Versailles.

Partisan de Méhémet Ali dès les premières défaites ottomanes, il facilita, grâce à sa défection, la conquête de la Syrie par les Égyptiens en 1831. Les Maronites, attirés vers le souverain d’Egypte, en raison de ses sympathies françaises, accueillirent ses troupes en libératrices. Mais ils ne tardèrent pas à s’en repentir, l’administration d’Ibrahim pacha étant dure et exigeante. Devant la menace d’une révolte libanaise, les Égyptiens, s’inspirant des principes de l’Émir Béchir qui gouvernait Maronites

  1. Voir à ce sujet La Syrie, par K. T. Khaïrallah. Brochure extraite de la Revue du monde musulman. Leroux, éditeur, 1912, p. 32 et suivantes et 94, 99.
  2. Lorsque Bonaparte pénétra en Syrie, l’Émir Béchir déclara qu’il lui viendrait en aide dès que Saint-Jean d’Acre se serait rendue. Cette réserve de leur chef n’empêcha d’ailleurs pas les Maronites d’essayer de venir en aide à l’armée française en facilitant son ravitaillement.