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le Hauran, où, après avoir également adopté la religion druse, ils avaient acquis une influence prépondérante. Longtemps les plus fermes soutiens des Ma’an, ils ne tardèrent pas à s’allier à eux par des mariages. Bientôt leur prestige devint à tel point considérable dans le Liban qu’il les fit désigner pour succéder aux Emirs Ma’an, dont ils respectèrent les traditions dans le gouvernement de la Montagne.

C’est sans doute vers 1755 qu’une partie des Chéhab, suivie par les Emirs Bellama, se convertit au christianisme. Ces conversions, considérées comme de véritables trahisons par quelques vieilles familles druses, commencèrent à semer la méfiance entre deux peuples jusqu’alors unis. Il faut y voir l’origine de l’animosité qui devait dresser les Druses contre les Maronites et ensanglanter la Montagne. Cependant, à cette époque, leur union, simplement ébranlée, était encore si peu troublée que les Druses vinrent au secours de leurs compatriotes chrétiens du nord du Liban pour les aider à chasser les Métualis dont les brigandages incessans ravageaient la contrée.

Ils n’étaient d’ailleurs pas les seuls ennemis de la tranquillité de la Montagne, car, au cours des dernières années du XVIIIe siècle, les Emirs Chéhab eurent fort à faire pour la défendre contre les attaques des grands aventuriers tels que le Bédouin Daher ou l’Albanais Djezzar, qui tentèrent de profiter de l’anarchie de la Syrie pour s’y tailler un Etat répondant à leur ambition.

Sous la suzeraineté des Ma’an et des Chéhab, les Maronites maintinrent intacte leur ancienne organisation féodale et profitèrent de leurs bonnes dispositions pour se répandre dans la Montagne. Ils peuplèrent ainsi les districts du Kesroan et du Meten, dans le moyen Liban. Toujours aussi profondément attachés à leur religion et devenus les champions officiels du catholicisme en Syrie [1], ils voulurent resserrer encore leurs liens avec Rome. Dès le XVIe siècle, ils reçurent la visite de légats du Pape, puis adoptèrent le calendrier grégorien et envoyèrent une partie de leur clergé se former dans le collège de Rome institué à leur intention par Grégoire XII. Ce mouvement aboutit au synode libanais de 1736 où, sous la présidence d’un Légat, l’Eglise maronite reçut sa constitution définitive. Aussi le Liban

  1. Jouplain, op. cit., p. ( ?)