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tribu musulmane des Tanoukh, qui, établie dans le moyen Liban, entre Beyrouth et Saïda, formait une sorte d’avant-garde de l’Islam. Puis, une secte primitivement chiite, les Nosairis ou Ansariehs, avait fait irruption dans le Liban septentrional d’où, après quelques luttes, les Maronites réussirent à la rejeter dans les montagnes du nord de la Syrie auxquelles elle a donné son nom. Les Druses enfin s’étaient, un peu plus tard, répandus et développés dans la Montagne. Les démêlés des Druses et des Maronites, et surtout les massacres de 1860, ont répandu la croyance que ces deux peuples ont toujours été des ennemis farouches. Rien n’est cependant moins exact. Jusqu’à la moitié au moins du XVIIIe siècle, ils vécurent dans un accord parfait et constant. Il fallut des intrigues étrangères pour venir le troubler au point que l’on connaît.

Le Drusisme [1], dont l’origine est assez obscure, a probablement commencé à être introduit dans certaines parties du Liban vers la fin du XIe siècle. Ses adeptes se recrutèrent plus particulièrement dans la région du Chouf qui forme, encore aujourd’hui, son centre le plus important. Une si parfaite harmonie régnait alors entre les Druses et leurs voisins chrétiens que, durant tout le moyen âge, et même encore au XVIIe siècle [2], on voulut voir en eux un peuple d’origine chrétienne. Très heureux de trouver ainsi un moyen de se ménager la protection de l’Europe contre les Musulmans qu’ils haïssaient, ils se gardèrent bien de détruire cette illusion [3]. Une légende s’était

  1. On sait que la religion des Druses, soigneusement cachée, est restée très longtemps fort mal connue. Elle paraît, dans une certaine mesure, dérivée d’un islamisme très corrompu et mélangé de croyances égyptiennes à la métempsycose. Son fondateur en serait le khalife Fatimite Hakem, qui régnait au Caire au commencement du XIe siècle. Après avoir probablement simulé la folie, il se proclama une nouvelle incarnation de la divinité et disparut dans des circonstances mystérieuses. Sa doctrine, appelée l’Unitarisme, dont les sectateurs ne tardèrent pas à être persécutés en Egypte, fut propagée en Syrie, où elle fit rapidement des adeptes, surtout dans la région du Hauran, puis dans la vallée du Jourdain et la contrée de Homs. L’origine ethnique des Druses est controversée, les uns les croyant originaires de Perse, les autres voyant en eux des Arabes, différenciés par la seule religion de ceux qui les entourent. On peut évaluer leur nombre actuel à environ 150 000, dont une soixantaine de mille au Liban.
  2. Voir à ce sujet les Mémoires du chevalier d’Arvieux, consul à Alep.
  3. Ces excellentes relations, qui peuvent surprendre aujourd’hui, expliquent comment une délégation, composée de Maronites et de Druses, a pu se rendre à Rome, en 1444, accompagnée par un moine franciscain.