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aux impérieuses exigences de ces temps singulièrement troublés. Obligés de lutter pour sauvegarder ce qui leur restait d’indépendance, les chrétiens du Liban sentirent la nécessité d’unir plus intimement leurs efforts en se groupant davantage et de se choisir parfois un chef unique, afin de mieux coordonner leur défense.

Tandis que la Syrie retentissait du fracas des armes, la plupart des événemens qui se passaient autour d’eux ne parvinrent guère à modifier sensiblement la situation des montagnards maronites. Il en est un cependant qui produisit chez eux une répercussion considérable : ce fut l’arrivée des Croisés. Campés sur leurs hauteurs, les guerriers chrétiens s’efforçaient de prolonger la résistance lorsque, au printemps de 1099, parut, aux confins du Liban, l’armée des premiers Croisés. On conçoit la joie des chrétiens de Syrie à l’arrivée de leurs coreligionnaires d’Occident et l’empressement qu’ils mirent à leur prêter main-forte. Guides dévoués et expérimentés facilitant la traversée des montagnes, ou archers habiles venant, fort à propos, grossir les rangs de l’armée chrétienne, ils furent toujours pour les Croisés de précieux auxiliaires. En récompense de ces services, une situation privilégiée [1] leur fut réservée dans les Etats Latins, notamment dans le Comté de Tripoli, fondé par Raymond, Comte de Toulouse, sur le territoire duquel la plupart d’entre eux se trouvaient compris. Ils acceptèrent d’autant plus facilement l’organisation féodale apportée par les Croisés qu’elle se rapprochait singulièrement de la leur. Bientôt, le Liban se couvrit de châteaux forts habités par les guerriers francs et dont quelques ruines subsistent encore à l’heure actuelle.

Lorsque, sous les coups répétés de Nourreddin et de Saladin, la ruine des États Latins se précipita, obligeant les seigneurs chrétiens à abandonner leurs conquêtes pour chercher un refuge, ce fut dans les hauteurs du Liban qu’ils le trouvèrent. Nombre d’entre eux reçurent asile chez les Maronites dont le pays devint, pour la seconde fois, une citadelle du christianisme dressée contre la puissance musulmane victorieuse.

Après l’échec de la tentative de saint Louis, à qui les chrétiens du Liban ne manquèrent pas de prêter leur concours, l’attention de l’Europe s’étant détournée de l’Orient, les Etats

  1. Voir E. Rey, Les Colonies franques en Orient, p. 76.