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avec la même sévérité la doctrine monophysite. Il déclara qu’il fallait distinguer dans le Christ la nature divine et la nature humaine coexistant en lui sans cependant se confondre.

Ces controverses théologiques, avivées par l’action des souverains byzantins, qui n’hésitaient pas à se jeter personnellement dans la mêlée, prirent bientôt une intensité particulière. Les plus lointaines régions de l’Empire ne tardèrent pas à subir, à leur tour, leur funeste influence.

Vers cette époque, vivait, aux environs d’Antioche, un pieux anachorète du nom de Maron. Son histoire a été rapportée par Théodoret, évêque de Cyrrhus, qui fut à peu près son contemporain [1]. On ne peut guère indiquer avec précision l’époque de son existence. Il vivait sans doute à la fin du IVe siècle et au commencement du Ve [2]. Or, c’est à saint Maron qu’il faut faire remonter l’origine de la communauté qui se mit sous son patronage en empruntant son nom. A lui, en effet, revient le mérite d’avoir jeté les premiers fondemens d’un groupement distinct destiné à se constituer plus tard en « nation. »

Théodoret raconte avec admiration la vie de cet ermite qui, ne voulant d’autre abri que la voûte du ciel, édifia toute la contrée par sa piété et ses guérisons miraculeuses. La tradition ajoute que saint Maron combattit les hérétiques, partisans des erreurs du monophysisme, et soutint avec ardeur les principes de la vraie foi. Il se serait retiré sur une montagne située au bord de l’Oronte, dans les environs de Hama, bientôt suivi par un grand nombre de moines qui partageaient sa discipline. C’est ainsi qu’il réussit à réunir, de son vivant, un premier noyau de partisans auxquels il aurait légué une liturgie particulière et même un embryon de constitution ecclésiastique.

L’orthodoxie de saint Maron a cependant trouvé quelques détracteurs. Il faut voir là, sans doute, l’effet de la jalousie de certaines autres communautés orientales. Ces accusations se fondent ordinairement sur une affirmation d’Eutychès, Patriarche melchite d’Alexandrie au Xe siècle, qui, le premier, paraît avoir fait planer sur saint Maron et ses disciples le soupçon de monothéisme

  1. Le théologien grec Théodoret de Cyr, qui écrivit la biographie des anachorètes de Syrie, vécut de 396 à 458 environ.
  2. Mgr Debs, l’avant-dernier archevêque maronite de Beyrouth, auteur de savans ouvrages sur l’histoire de son Église, place la mort de saint Maron vers l’année 433.