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Et puis, la joie éparse dans l’atmosphère suscite des désirs de vie voluptueuse et opulente, plaisirs et richesses qu’il faudra conquérir par un redoublement d’activité. Enfin la splendeur attirante des horizons vous convie aux navigations lointaines pour le butin et pour la gloire. C’est sur la Méditerranée qu’est née la légende des Sirènes et de la Toison d’or, et c’est de ses eaux que les navigateurs fabuleux ont cru voir surgir les Iles Bienheureuses...

Ainsi la Méditerranée se découvrit à Frédéric Nietzsche, au pauvre philologue allemand, qui était venu soigner, sur ses plages, ses yeux et sa tête malades. A Rapallo, à Nice, à Menton, elle lui dicta son poème de Zarathoustra, hymne à la force conquérante et dominatrice. Exaltation lyrique de l’individu et, pourtant, glorification de l’obéissance et de la discipline imposées par les élites et librement consenties par tous. Glorification aussi de la patrie, qui fait les guerriers intrépides et les bonnes épouses, et, en même temps, critique acerbe du nationalisme étroit et stérilisant. N’allons point nous pencher désespérément sur nos cimetières. Fuyons la morne province, où dorment nos morts. Il est vain de recommencer ce qu’ont fait nos pères. L’important est de faire autre chose. La meilleure façon d’être un bon Allemand, c’est d’acquérir toutes les qualités qui manquent à l’Allemand :

« O mes frères, ce n’est pas en arrière que votre noblesse doit regarder, mais au dehors ! Vous devez être des expulsés de toutes les patries et de tous les pays de vos ancêtres.

« Vous devez aimer le pays de vos enfans : que cet amour soit votre nouvelle noblesse. Le pays inexploré dans les mers lointaines, c’est lui que je dis à vos voiles de chercher et de chercher encore !

« La mer est houleuse, tout est dans la mer. Quand même ! Allez, vieux cœurs de matelots !

« Qu’importe la patrie ! Nous voulons gouverner là-bas où est le pays de nos enfans. Au large, là-bas, plus fougueuse que la mer, souffle la tempête de notre grand désir. »

Entendons bien ces derniers mots : « Qu’importe la patrie ! » Ce n’est pas la négation impie, chère à l’internationalisme, c’est l’affirmation d’une plus grande patrie, d’une Allemagne nouvelle par delà la vieille Allemagne. Les pangermanistes rêvent de l’égaler à l’univers, cette Allemagne neuve, cette plus