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cet après-midi, vers quatre heures et demie, j’ai déclaré à l’Assemblée que M. Jules Favre et moi nous avions fait à Versailles tous les efforts possibles pour nous montrer dignes de vous et dignes du pays. La Commission, dont vous nous aviez entourés, et dont je vois ici un distingué représentant (l’amiral Fourichon), pourra vous dire elle-même ce que nous avons fait, car elle s’est associée entièrement à nos travaux. Je ne lui ai, comme vous le pensez, rien caché. Elle a tout su. J’ai fait lire ensuite devant tous vos collègues le texte des articles que j’aurais été incapable de lire moi-même. C’était assez déjà de les avoir débattus mot à mot et de les avoir, hélas ! signés... ! Mais qui donc eût autrement et mieux agi ?... Laissez-moi affirmer cela sans le moindre orgueil. On a dit que c’étaient des propositions honteuses que nous avions apportées à l’Assemblée. — Inacceptables, interrompit M. Teutsch. — Regrettables, murmura M. de Choiseul. — Oui, oui, continua M. Thiers, — car j’ai noté alors cette intime séance de nuit et l’ai communiquée depuis à M. Léon Clément, représentant de l’Indre, qui voulut bien revoir mes notes et y faire quelques additions ou modifications, — oui, cela est facile à dire. Je crois cependant qu’ici le mot vrai est le mot « douloureuses, » et vous avez dû voir avec quel chagrin j’ai lu l’article unique du projet, laissant à M. Barthélémy Saint-Hilaire la tâche pénible de vous faire connaître le texte des préliminaires qui m’a paru plus long à la lecture devant vous qu’à Versailles, où cependant les dix articles avaient demandé un temps considérable pour leur élaboration et leur approbation.

— C’est évident, dit le comte de Chaudordy, et nous comprenons bien toute la peine que vous avez dû ressentir. »

Après un court silence, M. Thiers continua : « On a dit que c’était une honte d’avoir accepté cela, comme si la honte était fatalement notre lot ! Est-ce que nous avions la moindre responsabilité dans les fautes énormes qui ont été commises et qui ont amené la catastrophe qui nous accable ? Je répète ici et encore une fois. Messieurs, que je suis étranger à toutes ces fautes et je dis que j’ai tout fait pour les épargner à mon pays. Mais, sachez-le bien, l’heure presse. L’urgence a été déclarée. J’ai demandé un vote rapide, il faut qu’il le soit. Devant l’Assemblée, j’ai laissé entendre que de graves événemens pourraient surgir d’un instant à l’autre et je ne les ai pas détaillés. Vous