Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les honneurs de la guerre en respectant l’enceinte qu’ils n’avaient ni pu ni osé franchir, puisqu’ils n’avaient pris aucun fort. Il ajoutait dans sa lettre : « Que les portes soient fermées et que l’Allemagne les ouvre par le canon auquel Paris désarmé ne répondra point et laissera à la vérité, à la justice, à l’histoire le soin de juger ! » On reconnaîtra bien ici la faconde du général Trochu, mais il serait injuste de nier sa sincérité et sa vaillance. Bien des historiens, qui ne l’ont pas vu à l’œuvre, l’ont critiqué avec une amertume et une vivacité sans justice.

Du 24 au 26 février, il n’était question à Bordeaux que des pourparlers de Versailles, et on vivait dans l’anxiété et dans l’angoisse. Le 27, on apprenait enfin que les préliminaires venaient d’être signés. Mais à quelles conditions ?

Je devais l’apprendre le 28 février, d’une façon bien inattendue.


La petite loge que j’occupais alors au Théâtre Louis était placée à côté du 2e bureau présidé par M. Daguenet. Les membres de ce bureau étaient MM. Henri Brisson, Bertauld, Caillaux, le comte de Chaudordy, Horace de Choiseul, Léon Clément, Combler, le marquis de Dampierre, Delescluze, Floquet, l’amiral Fourichon, Greppo, le duc d’Harcourt, Martial Delpit, le général Pellissier, Plichon, Hervé de Saisy, Teisserenc de Bort, Teutsch et une quinzaine dont les noms m’échappent. J’étais occupé à classer des procès-verbaux d’élection et des papiers d’identité déposés par des représentans pour servir à la validation de leurs pouvoirs, lorsqu’un grand bruit résonna par la fenêtre entr’ouverte sur le local où je me trouvais, et j’entendis aussitôt le président du 2e bureau, M. Daguenet, saluer ainsi l’arrivée de M. Thiers : « Nous sommes heureux de posséder ici l’éminent chef du pouvoir exécutif, car, mieux que personne, il pourra nous expliquer le comment et le pourquoi du texte formidable des préliminaires de paix. » M. Thiers, à peine remis de ses fatigues, — il était rentré de la veille à Bordeaux à deux heures, — ne s’était pas fait attendre. M. Teutsch, représentant de l’Alsace, voulut lui poser immédiatement une question, mais M. Thiers l’interrompit en disant : « Vous savez. Messieurs, que