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baïonnettes vers les fusils belges qui n’osaient tirer, et tomber morte enfin aux pieds de ses bourreaux. L’échevin V. L., du village de L., a déclaré aux enquêteurs que, le 16 août, il fut forcé, par une avant-garde allemande, de marcher devant elle, les mains levées, accompagné de sa fille que les soldats avaient déshabillée. Et la jeune fille confirme le fait, en tremblant, au procureur du Roi de X. qui l’interroge, et ajoute : « Il s’est passé avec moi des choses que je n’ose pas raconter. »

Car on pense bien que cette lâcheté vis-à-vis des femmes s’accompagne d’autres lâches excès. Avant le pillage d’Andenne, on fait sortir des maisons les pères et les mères, puis la soldatesque envahit les chambres, et viole les jeunes filles laissées seules. Le plus souvent on procède plus cruellement : on n’éloigne pas les parens ou les maris, on les met hors d’état d’intervenir et on les fait spectateurs forcés de l’outrage. À Aerschot, une jeune fille de la chaussée de Louvain est violée, sous les yeux de son père, ligoté par dix-huit Allemands. Le revolver braqué sur elle paralyse ses résistances. Son beau-frère, pareillement ligoté, après avoir assisté à l’assassinat de ses deux enfans, doit assister au viol de sa femme ; puis on l’embarque pour l’Allemagne. À Wacherzeel, dans les mêmes conditions, sept Allemands abusent d’une femme, puis la tuent. À Heyst-op-den-Berg, Marie Vermaelen est renversée par les soldats, tandis que ses petits frères et sœurs s’attachent à elle pour la sauver. À Blauwput, le 19 août, la femme A., enceinte de façon visible, est livrée pendant deux heures aux hommes : il faut la porter pour la reconduire chez elle. Le 20 août, à Corbeek-Loo, dix soldats arrêtent les époux L. et leur fille âgée de seize ans, ils les conduisent au château de M. Frantzen ; ils forcent l’enfant à boire, braquent leurs fusils sur les parens, et conduisent devant eux leur victime sur la pelouse. Elle résiste : on ne la dompte qu’en lui portant cinq coups de baïonnette. « Elle était dans un état des plus graves, ajoute son oncle, notable commerçant de Louvain, qui raconte les faits à la Commission, et le curé de la paroisse qui l’a administrée m’a dit qu’il ne croyait pas qu’elle avait survécu. » À Héverlé, la femme d’un gardien de prison a été odieusement maltraitée par un ambulancier de la Croix-Rouge, raconte le médecin principal X., qui a relevé la malheureuse. Le 26 août, le 48e régiment d’infanterie de réserve, commandé par M. von Biebers-