Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 25.djvu/130

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
126
REVUE DES DEUX MONDES.

siens étaient entrés en tirant dans l’ambulance villageoise où ils reposaient, et, tuant l’un d’entre eux, avaient jeté les autres sur le pavé : ils avaient bien voulu faire à ces derniers grâce de la vie. Moins magnanimes, à Wolverthem, d’autres Allemands jetèrent des blessés dans des maisons en flammes. À Gomery, dans ce charmant Pays Gaumet, qui prolonge au cœur de nos Ardennes la douceur des dernières collines lorraines, trois cents blessés, parmi lesquels le lieutenant interprète Deschars, étaient soignés par une ambulance française. Le 22 août, plusieurs détachemens allemands du 47e régiment d’infanterie occupèrent le petit village. Leur chef entra dans la grange qui servait d’hôpital et demanda un interprète. L’officier s’avança : il n’avait pas dit deux mots qu’il était abattu d’un coup de revolver. Alors le massacre commença, où les médecins succombèrent pêle-mêle avec leurs blessés dont, après une heure, un tiers seulement survivait ! Pour couronner la journée, on brûla le village et l’ambulance elle-même.

Férocité toujours. Comme toujours aussi la déloyauté y répond. Ne respectant point l’insigne de la Croix-Rouge porté par leurs adversaires, les envahisseurs profitent largement du respect dont les Belges comme les Français ne se départent jamais envers ses organisations sanitaires. Je n’en cite que deux exemples : le 25 août, jour d’un combat violent, les Allemands remplirent, à Vilvorde, la caserne des carabiniers cyclistes d’artillerie et de troupes. Puis ils arborèrent sur le toit de l’édifice un grand drapeau de Genève. Ils en pendirent un autre sur une corde tendue devant le bâtiment à travers la chaussée de Malines. Il y a mieux : à Houthem où ils cantonnaient une nuit, alors qu’ils désiraient dormir et que les Belges n’étaient pas loin, toutes les maisons où ils logeaient furent marquées d’une croix rouge. Il n’y avait parmi eux pas un seul blessé… Ce sont bien les mêmes hommes qui abusent du drapeau blanc, qui revêtent des bataillons entiers d’uniformes belges volés à Bruxelles. Ici encore les révélations de la Commission d’enquête seraient suggestives ; mais il faut passer vite et, après les crimes commis sur les militaires prisonniers ou blessés, exposer la situation d’une population civile opprimée, outragée, torturée.